Généalogie des Familles Bonin

 

La donation

 

        D'où vient ma motivation à vous présenter une conférence sur la donation ? En fait, ça faisait longtemps que j'étais intrigué par une phrase que mon père Alcide répétait de temps en temps: "Mon grand-père Clément s'est donné à mon père Jean-Baptiste". Tout de suite, j'en profite pour vous donner le prénom de mes ascendants dont je vais vous parler ce soir; il y a moi Jean-Louis, fils d'Alcide, fils de Jean-Baptiste, fils de Clément, fils de Bruno. L'idée que je gardais de cette phrase a longtemps été que Clément en était arrivé à un état d'indigence grave à un tel point qu'il n'avait pas d'autre choix que de se faire vivre par son fils; en effet dans ma génération on ne voyait pas cela des gens qui se donnent à d'autres; faut bien dire qu'aujourd'hui, tout le monde a accès à la Sécurité de la vieillesse. C'est certain que la maladie peut rendre quelqu'un incapable de gérer même une petite entreprise comme  une ferme ou un atelier de menuiserie, par exemple, mais même dans ces cas, on parle plutôt de procuration, de tutelle, etc.. J'avais aussi aidé mon père à écrire ses mémoires et il y revient en ces mots: "A  la  mort de ma grand-mère Bonin, mon  grand-père  se  donna  à mon père avec tous  ses biens et ses dettes et devint comme le  fils à  Jean-Baptiste; c'est drôle, mais le  monde vivait comme cela dans le passé. Mon  grand-père devenait   mon   frère  et  on  l'appelait pépère".
             
               Selon mon père, c'était assez fréquent qu'un parent se donne à un des enfants; alors le fait que c'était assez fréquent (aujourd'hui je le crois car j'ai fouillé par mal la littérature sur le sujet), ça veut dire qu'il pouvait y avoir de multiples raisons pourquoi une personne se donnait à une autre. Dans bien des cas, c'est comme donner son héritage avant le temps ou une façon de passer la main au suivant pour assurer que l'entreprise reste dans la famille.

               En tous cas, tout cela a sommeillé dans mon cerveau jusqu'à l'an passé, moment où j'ai commencé à faire des recherches sur une maison ancestrale, sur la rang Brulé qui longe l'autoroute 30 à Contrecoeur; on la voit bien quand on passe sur la 30. En passant, ce qui m'a permis de bien situer cette maison, c'est une combinaison de démarches dont les premières ont été de fouiller les recensements de 1871, 1881,  et de 1901; (avec cela je savais que Bruno, et son fils  Clément y avaient vécu et j'avais aussi les noms des familles voisines dans le même rang); et là, par une secrétaire de la mairie de Contrecoeur, j'ai été mis sur la piste de Mme Cormier, dame très charmante passée les 80 ans, qui demeure dans un Foyer de Contrecoeur et qui avait été élevée dans le rang Brulé; cette dame m'a tout de suite indiqué trois maisons où vivaient des Bonin pendant son enfance et surtout celle où avait vécu Bruno et sa famille. Par  la suite, je me suis rendu faire des recherches au registre foncier situé à Ste-Julie dans l'espoir de découvrir depuis quand des Bonin vivaient dans cette maison-là. Je n'ai pas encore trouvé ce fameux document, mais je suis tombé sur un acte notarié de donation; celui de la donation de Bruno à son fils Arthur (frère de Clément et plus jeune des fils de Bruno). On regardera cet acte notarié de donation plus tard dans mon exposé. Pour moi, c'est un bijou de document: en même temps qu'il nous aide à comprendre ce qu'est une donation, en même temps c'est une fenêtre ouverte sur la vie de nos ancêtres au début des années 1900.

              Mais d'abord regardons de plus près la première donation dont je vous ai parlé: celle de Clément à Jean-Baptiste. Je vous passe la feuille et je vais vous la lire; il y a des mots en gras italique sur lesquels je vous demande de porter votre attention.

Donation de Clément Bonin (père) à Jean-Baptiste Bonin  (fils)

notes sur les personnes:
Alexina Gendron (mère), décédée en 1911, 10 ans avant la donation

Clément Bonin, (père) âgé de 61 ans, est décédé à St-Majorique en 1947 à 87 ans.
Jean-Baptiste Bonin, (fils), âgé de 32 ans
Oscar Bonin, frère de Jean-Baptiste, 18 ans
Cyprien Duff; créancier qui aura la rente de 12$ par année

"En l'an mil neuf cent vingt-et-un, le quatorzième jour du mois de janvier, par devant Mr. Philippe Péloquin, soussigné notaire public pour la province de Québec, résidant et pratiquant en la paroisse du St-Germain-de-Grantham, district d'Arthabaska a comparu Monsieur Clément Bonin, menuisier du St-Germain-de-Grantham, lequel a par la présente fait donation entrevifs et irrévocable à Jean-Baptiste Bonin, son fils aussi menuisier du même lieu, à ce présent et acceptant donataire à l'avenir savoir: deux emplacements contigus situés au village du St-Germain-de-Grantham, de la contenance, chaque emplacement, de soixante-six pieds de front sur cent trentre-deux pieds de profondeur, mesure anglaise, lesquels emplacements sont connus et désignés aux plans et livres de renvoi officiels du canton Grantham sous les numéros six cent-vingt-cinq et six cent-vingt-six (Nos 625 et 626) avec bâtisses ci-dessus érigées, tous les meubles de ménage et effets mobiliers et tout outillage de menuiserie. Le dit donataire a dit avoir visité ce que par les présentes donné et en être content et satisfait. Le donateur est propriétaire de tout ce  que dessus donné pour l'avoir acquis par bons titres dûment enregistrés. Au moyen des présentes, le donateur se dessaisit en faveur du donataire de la propriété des dits biens donnés et en saisit l'acquéreur pour par lui en jouir, faire et user en toute propriété dès ce jour et à toujours, et en prendre possession immédiatement à la charge de payer toutes les impositions et travaux quelconques attachés aux dits immeubles: de payer à Monsieur Cyprien Duff une rente foncière de douze piastres par année et le capital d'icelle lorsqu'il sera dû et demandé. A la charge aussi par le dit donataire ou ses représentants, de veiller aux soins du donateur, le dit Clément Bonin, sa vie durant, de le loger, vêtir, nourrir à sa table et de le chauffer, tant qu'il plaira à celui-ci de rester avec le dit donataire. Advenant le cas du départ du dit donateur d'avec le donataire, de libre consentement de la part du donateur, le donataire se trouverait déchargé de toutes les obligations envers le dit donateur. Le dit donataire sera tenu de parachever les études du dit Oscar Bonin et de veiller aux besoins de son instruction, mais à la condition que ce dernier renonce à la succession de sa mère, la dite feue Alexina Gendron, épouse du donateur, lorsqu'il aura atteint sa majorité, à laquelle époque les obligations du donataire envers ce dernier seront finis. Dont acte: fait et passé à St-Germain-de-Grantham, sous le numéro deux cent-treize des minutes du notaire soussigné; et après lecture faite, les parties aux présentes ont signé avec nous, Notaire(signé) Clément Bonin, Jean-Baptiste Bonin, Philippe Péloquin."

Vous remarquez que les mots en gras italique sont au tableau pour la plupart; c'est un langage juridique qu'on va décortiquer tout à l'heure. Je signale en passant que Clément et Jean-Baptiste étaient menuisiers; dans son livre, mon père décrit le plan d'une maison qu'ils ont construite ensemble à St-Germain; Selon le même plan, ils en ont construit plus de dix sur la 122 entre St-Edmond et St-Germain; on peut les voir encore aujourd'hui. Auparavant cependant faisons un tour dans le temps sur l'histoire de la donation.

 

Histoire de la donation

 

        N'étant pas historien, je ne peux  vous présenter qu'un bref survol de ce que j'ai pu comprendre sur cet aspect de l'histoire de la donation. En résumé, c'est au cours du Moyen-Age que la pratique de la donation a commencé à avoir un certain caractère officiel; dès 315 p.c., on note la "donation Constantin" qui énumère tous les territoires et privilèges que l'empereur donne au pape; en 745 p.c, on note la "donation Pépin" par laquelle cet autre empereur crée ce qu'on appelle les Etats pontificaux. En fait, il semble que la longue période où l'Eglise a exercé une influence énorme sur les empires et royautés et vice versa, a été comme une matrice où s'est développée une pratique généralisée de la donation. Ca serait grâce à cela que les différents ordres et abbayes (Templiers et autres) ont connu un essor extraordinaire; leur début a souvent été dû à une première donation (terre ou château) et les donations se multipliant, ils ont pu se développer de plus en plus; je pense que ça fait partie de l'histoire que si les églises et les communautés ont pu voir le jour et prendre leur essor dans le temps, c'est grâce à la générosité très intéressée des rois guerriers; disons que le pouvoir temporel a servi d'assise au pouvoir spirituel. Et puis, sur le plan politique, les guerres entre différents vassaux étaient monnaie courante, question d'agrandir leur domaine et imposer leur pouvoir sur le plus grand nombre de sujets possible; les alliances comptaient beaucoup pour raffermir le pouvoir et surtout pour le garder le plus longtemps dans les mêmes mains et une bonne façon d'y arriver c'étaient de sceller les alliances par des donations.

               Puis c'est évident que la pratique de la donation qui était si fortement ancrée dans les moeurs, s'est comme transférée tout bonnement en Nouvelle-France dès le début de la colonie. Je pense que mon père avait raison; c'était une pratique très répandue. Moi j'ai tout simplement feuilleté un livre de la collection "Inventaire des actes notariés" qu'on a dans notre bibliothèque et j'y ai retracé plusieurs actes titrés "donation"; j'en ai une petite liste exhaustive sur la feuille que je vous passe.

 

Donations diverses

 

Donation entrevifs faite par Mrs. Les Associées pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France en l'Isle de Montréal en faveur du Séminaire  St-Sulpice de Paris (9 mars 1663)

Donation de Louis Fontaine à la fabrique de Ville-Marie (7 septembre 1663)

Donation à cause de mort par Frs Monnet dit La Verdure à Marie Dumas (29 août 1698)

Donation entrevifs par Nicolas LeNoble à Jean Drapeau (22 septembre 1695)

Donation par Claude Blanchat à l'Hospital de Montréal ( 2 janvier 1695)

Donation entrevifs par sœur Marie Raisin aux filles Séculières de la Congrégation de l'Isle de Montréal
( 7 mars 1688)

Donation entrevifs par G.Souart, ptre, à Mademoiselle De longueuil, sa nièce ( 13 septembre 1686)

Donation par Srs Gervaise, Tessier, Lauson et Archambault fils à Jacques Archambault le père sous
seing privé (25, juin 1678)

Donation de la personne et biens de Jacques Vigor aux Dames Religieuses de St-Joseph de Montréal
( 2 avril 1674)

Donation en forme de testament de Marie Ragnaud à la fabrique de l'église, Hospital du dit Montréal et René Lanceleur fils (13 avril 1673)

Donation de Julien Fortin De Bellefontaine à Pierre Royer, Guillaume Boucher et Félix Auber, marguilliers du Château Richer, acceptant pour l'église Ste Anne du Petit Cap ( 18 août 1680)

 

          Comme tout à l'heure les mots en gras italiques vont se retrouver au tableau; puis on peut constater une bonne variété du nuances dans ces différentes donations.

Je vous lis ici un extrait qui décrit une histoire de donation entre deux soldats du Régiment e Carignan, soit Mrs. Darbois et Chaudillon. C'est tiré du livre de Michel Langlois sur le Régiment de Carignan.

                  "M. Dargois, le  6 février 1678 est témoin à Sorel au baptême d'Antoine, fils du chirurgien Antoine Chaudillon.. Ils sont liés d'amitié. Depuis le 30 novembre 1670 lui et son épouse ont fait don de tous leurs biens à ce même Antoine Chaudillon qui en retour s'est engagé à les nourrir et à les héberger le reste de leurs jours. Ayant mis terme à leur engagement, le Sieur Chaudillon et lui se donnent quittance réciproque devant le notaire Adhémar, le 6 juillet 1678…."

(remarque; en 1670 M. Dargois a 49 ans seulement et M. Chaudillon a 27 ans; M. Dargois quitte Sorel en 1680 et aurait vécu à Ste-Anne-de-Beaupré jusqu'en 1688)

          Et aujourd'hui il y a encore beaucoup de donations qui se font, mais ce sont les Fondations qui de plus en plus remplacent les églises et communautés comme bénéficiaires des donations; mais si les donataires changent selon l'évolution de la société, l'encadrement juridique de la donation ne change pratiquement pas.

 

Aspects juridiques

 

                Avant de commencer à parler de la donation au point de vue juridique, je voudrais vérifier si quelqu'un a une formation juridique dans la salle. Non? C'est parfait, car moi je ne suis pas notaire non plus; évidemment je ne me donne pas le défi de décortiquer ce qu'est une donation dans tous les détails et avec toutes les nuances qu'un notaire  le ferait, mais je pense pouvoir vous rendre la question assez compréhensible, J'ai ici un beau petit livre qui a comme titre "De la donation" et c'est écrit par un notaire; je dois vous dire que c'est ardu en ptit pépère; je me suis pris à plusieurs reprises avant pouvoir passer d'un couvert à l'autre.

               Le mieux, ça va être de prendre chacun des termes que j'ai mis au tableau et de les expliquer un après l'autre. Vous avez cela sur la feuille  qu'on vous passe. Tout cela va nous aider à savourer le texte de la donation de Bruno à Arthur qu'on va voir tantôt.

Donation: La donation est un contrat par lequel le donateur, de son vivant, transfère la propriété d'un bien à titre gratuit  à un donataire.

Donateur: la ou les personne(s) qui possède(nt) un bien et qui s'en dessaisit pour le transférer au donataire. Un couple marié (donateur) est considéré comme une entité vis-à-vis un bien en commun ou en .acquêt; donc les deux doivent être d'accord et signer l'acte. C'est le donateur qui  assume les frais.de contrat.

Donataire: la ou les personne(s) qui accepte(nt) un bien transféré du donateur. Si ils sont plus d'un, (ex: tous les enfants du donateur), on parle alors d'une donation partage. Les personnes en relation professionnelle avec le donateur (Gérant de banque, professionnels de la santé et des services sociaux, responsable de foyer d'accueil, etc…) ne peuvent pas être donataires. C'est le donataire qui assume les frais d'enlèvement du bien.

Donation entre vifs: du vivant du donateur; la transmission des biens (prise de possession effective) peut se faire immédiatement (c'est à dire à la rédaction de l'acte notarié) ou dans un terme défini dans l'acte notarié (ex. dans 5 ans). Pendant le délai de délivrance du bien, le donateur assume les risques afférents au bien. Elle est essentiellement irrévocable.

Donation à cause de mort: la transmission des biens se fera à la mort du donateur; généralement on parle ici davantage d'un legs testamentaire. Elle est révocable de par sa nature, à moins qu'elle soit spécifiquement déclarée irrévocable dans l'acte notarié.

Contrat de donation: transaction où l'une des parties s'oblige à l'autre, au bénéfice de l'autre; c'est ratifié par un acte notarié.
 
Solennité: la forme authentique du contrat en garantie la solennité; donc chaque donation par acte notarié en minute est écrite de la même façon (c'est la forme); il n'y a que le contenu qui change. C'est très important pour que tout litige subséquent à la donation puise être résolu en toute justice.

Capacité de contracter: Le donateur ainsi que le donataire doivent être majeurs et ne pas être sous tutelle ou curatelle pour raison d'inaptitude mentale. (Exception pour le mineur émancipé). Une incapacité prouvée après une donation peut entraîner l'annulation de la donation.

Bien présent: ça englobe, les immeubles et les biens meubles et le mobilier; un droit de propriété complet ou un droit de propriété démembré ou simplement l'usufruit d'un bien et tout autre droit dont  on est titulaire (ex.   ). Dans le contrat, chaque bien est bien défini pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. La raison concernant le fait de donner un bien ne doit pas prohibée par la loi ni contraire à l'ordre public.

Usufruit: usage qu'on fait d'un bien; la plupart du temps, le donateur se réserve jusqu'à sa mort le droit d'usufruit sur un bon nombre de biens donnés; c'est plus pratique pour lui et de plus ça limite nombre de conflits dans la famille.

A titre gratuit: don fait sans retirer d'avantage en retour et surtout sans intention d'avoir un retour; ( donc toute forme de créance ou d'indemnité compensatoire ne peuvent pas être considérées comme une donation); la donation est un acte libéral et bienfaisant; le donateur veut avantager le donataire. Il appauvrit son patrimoine pour accroître celui du donataire.
               L'Acte à  titre onéreux est une expression qui n'a pas de rapport avec la donation car son fondement est la réciprocité des avantages. C'est très rare dans la littérature de pouvoir trouver l'expression "donation à titre onéreux"

A charge: la donation peut être à charge pour le donataire: paiement d'une dette restante du donateur (mais pas une dette future à moins qu'elle soit précisée au contrat); droit d'usage pour le donateur des biens cédés; paiement d'une rente au donateur, etc….
La donation à charge peut être aussi au profit d'un tiers (éducation des mineurs, etc…)

Dessaisissement: action de se départir effectivement de biens au profit du donataire; cependant, cela peut être fait par étape ou sous différentes formes (argent, actions, etc,) . Il faut que le dessaisissement soit irrévocable.

Irrévocabilité: la donation entrevifs est essentiellement irrévocable;la donation ne peut en aucun cas contenir une stipulation permettant au donateur d'anéantir à son gré la donation ; l'irrévocabilité entend neutraliser toute condition, charge ou clause qui laisserait à la seule discrétion du donateur l'existence ou l'exécution de la donation. (Ex: un veuf fait une donation à son fils, puis il se marie plus tard; alors la nouvelle épouse désire que des biens contenus dans la donation soit récupérés pour elle; cela ne pourrait pas se faire sans le consentement du donataire).

Révocation: elle est possible pour cause d'ingratitude (comportement gravement répréhensible du donataire eu égard à la nature de la donation et non pas à la personne du donateur). C'est pas mal sujet à interprétation. Si la donataire ne gère pas le bien exactement comme le donateur le souhaiterait ( ex: changer le genre de culture ), ça ne serait pas considéré comme de l'ingratitude. Par contre si la donataire n'exécute pas les charges prévues à la donation, la donation peut être révoquée.

 

Application dans le verbatim d'une donation

 

                On en est rendu à regarder le texte d'une donation qui nous permettra de mieux approfondir nos connaissances; c'est le teste de la donation de Bruno Bonin (père) à Arthur Bonin  (fils). Ca se situe en 1899 à Contrecoeur. Personnellement, je trouve que c'est un bijou de document, surtout parce qu'il nous laisse pratiquement assister à un documentaire sur la vie de nos ancêtres en milieu rural.

                Commençons par situer Bruno et sa famille.

Bruno est le descendant ( 5ième génération) de Nicolas arrivé au Canada en 1665. Il est né à Contrecoeur en 1834. A 23 ans, en 1857, il s'est marié à St-Antoine avec Olympe Gendron (21 ans); Il était cultivateur; tous les recensements, à partir de 1871 le situe dans le rang Brulé à Contrecoeur. Au moment de la donation (1899), il était âgé de 65 ans. Il est décédé en 1900 à Contrecoeur , soit dans l'année suivante de la donation. Son épouse Olympe est décédée en 1911, soit 12 ans après la donation. En 1894-1895, il fut conseiller municipal  à la paroisse de Contrecoeur et en 1899, il a été marguillier à Contrecoeur

Le couple a eu 12 enfants; 7 filles et 5 garçons. Au moment de la donation en 1899, il ne reste à la maison que Delphina qui est âgée de 22 ans; elle se mariera en 1903; peut-être que le donataire Arthur (24 ans), le plus jeune des garçons y était encore car il se mariera 4 mois plus tard soit en décembre 1899. Cependant comme il a déjà une terre adjacente à celle de son père, il se peut qu'il ne demeurait plus dans la maison paternelle.

Maintenant on est prêt pour écouter la lecture du texte de cette donation.

No de l'Acte notarié  : 21777 du registre foncier de la Province de Québec (enregistré  à neuf heures. a.m., le quinze août mil huit cent quatre vingt dix-neuf)

L'An mil huit cent quatre vingt dix neuf le onzième jour d'août, devant Aimé Geoffrion notaire public pour la Province de Québec, résidant en  la paroisse de Verchères, dans le district de Richelieu, et Monsieur Wilfrid Chicoine, marchand, résidant en la dite paroisse de Verchères, témoin, ont comparu Monsieur Bruno Bonin, cultivateur, résidant en la paroisse de Contrecoeur, dans le dit district, et son épouse Dame Olympe Gendron qu'il autorise à l'effet des présentes. Lesquels ont, par les présentes, reconnu et confessé avoir fait donation entrevifs et irrévocable à leur fils Monsieur Arthur Bonin, cultivateur, résidant en la dite paroisse de Contrecoeur, présent et acceptant savoir:
        Premièrement: D'une terre située en la dite paroissse de Contrecoeur, au rang du Brûlé, contenant environ quatre-vingt-quinze arpents en superficie de figure irrégulière, tenant au nord-ouest à Arthur Berthiaume, au sud-est aux terres de St-Antoine, au nord-est à Mathias Lamoureux et au donataire, et au sud-ouest à Adélard Gervais et Alexis Berthiaume, avec maison, grange et aux bâtisses y érigées, la dite terre portant le numéro trois cent huit (308) sur le plan et au livre de renvoi officiels de la municipalité de la dite paroisse de Contrecoeur.
        Deuxièmement: De tout le ménage meublant la maison des donateurs, les ustensiles de cuisine, les linges, les animaux, les instruments aratoires et généralement tous les biens meubles corporels qui appartiennent actuellement aux donateurs, excepté leurs hardes et linges de corps. La terre présentement donnée appartient au donateur en vertu de bons titres qu'ils remettront au donataire à demande. Le donataire ne prendra possession de la terre et des biens meubles présentement donnés que dans cinq ans du vingt neuf septembre prochain; les donateurs s'en réservant l'usufruit jusqu'à cette date. Quant au ménage et aux objets mobiliers meublant la maison des donateurs ou qui s'y trouvent actuellement contenus, le donataire n'en prendra possession qu'après le décès du dernier vivant des donateurs qui s'en réservent l'usufruit leur vie durant. Les donateurs se réservent aussi, leur vie durant, la jouissance et l'usufruit jusqu'au décès du dernier vivant d'eux, de la moitié sud-ouest, haut et bas, de la maison érigée sur la terre présentement donnée ou de toute autre qui pourra la remplacer, laquelle moitié de la dite maison sera entretenue de toutes réparations par le donataire à compter de son entrée en jouissance, de la dite terre.
        Tant qu'ils occuperont la moitié qu'ils se réservent ainsi de la dite maison, les donateurs et leurs employés auront droit d'aller partout pour vaquer à leurs affaires. Les donateurs se réservent encore la jouissance et l'usufruit, leur vie durant et jusqu'au décès du dernier vivant d'eux, du jardin qu'il y a près de la susdite maison, lequel jardin sera clôturé et fermé par le donataire à la demande des donateurs. Durant leur usufruit de la moitié de la susdite maison les donateurs auront droit de se servir en commun, avec le donataire, du four et des fruits qui existent sur la dite terre, et droit aussi, pour eux et leurs employés, d'aller partout sur la dite terre et de loger leurs effets dans les bâtisses. Ils auront aussi une place dans l'écurie du donataire pour loger leur cheval, ainsi que le foin et l'avoine pour le soigner.
        Cette donation est faite à la charge par le donataire de payer aux donateurs et d'exécuter envers eux la rente annuelle et viagère et les charges et servitudes, énumérées, à savoir: neuf poches de bonne farine à demande, un sac de gros sel à demande, dix-sept minots de pois et vingt-cinq minots d'avoine à demande, dix douzaines d'oeufs, moitié le printemps et le reste en été; vingt-cinq livres de sucre et cinq gallons de sirop d'érable au temps des sucres; cinq piastres en argent à demande, l'huile de charbon nécessaire pour éclairer leur logement à demande, huit livres de thé à demande, un cochon d'un an à choix sur ceux du donataire dans le cours de septembre avec une place pour l'engraisser, cinquante livres de bon boeuf à la fin de décembre, six poulets gras au temps des boucheries d'automne, trois cent cinquante bottes de bon foin au temps des foins, vingt minots de patates rendus dans la cave des donateurs en automne, quinze livres de tabac canadien en feuilles, de bonne qualité à demande; leur fournir tout le bois nécessaire, sec et débité en bois de poêle pour chauffer leur maison et faire leur ordinaire l'hiver et l'été, entré dans leur maison; leur fournir leur vie durant, pour leur usage exclusif, un bon cheval commode, attelé et dételé par le donataire sur de bonnes voitures fournies par lui, garnies de robes et oreillers l'hiver à la demande des donateurs, lequel cheval sera pacagé par le donataire avec les siens, conduit au parc et à la maison des donateurs par lui, soigné par lui, lorsqu'il sera dans l'écurie, avec le foin et l'avoine des donateurs; leur fournir, leur vie durant, tous les printemps, une vache à lait à choix sur les siennes, pacagée par lui, conduite au parc et ramenée du parc avec les siennes; leur fournir tous les ans, le printemps, quatre mères moutonnes à choix sur les siennes, pacagées avec leurs petits, qui appartiendront aux donateurs, par le donataire; droit aux donateurs de garder tous les ans deux dindes avec leurs petits sur la susdite terre et dans ses bâtisses; droit pour eux d'élever tous les ans et soigner dans les dites bâtisses un jeune cochon du printemps jusqu'à l'automne; leur procurer le secours du prêtre et du médecin en maladie et payer le médecin; atteler et dételer les chevaux des parents et amis des donateurs en visite et les soigner avec son foin et son avoine; semer, tous les printemps, un demi-quart de graines de lin pour le profit des donateurs, que le donataire devra récolter pour eux, avec aussi l'obligation de leur fournis le bois pour le broyer. Quand les donateurs ne pourront plus se servir eux-mêmes, le donataire sera obligé de les servir ou les faire servir par une personne fiable; les conduire à l'église ou partout ailleurs où ils voudront aller.
        Lorsque le donataire prendra possession de la terre à lui présentement donnée, il sera obligé de payer les dettes que pourront alors avoir les donateurs, pourvu que les dites dettes n'excèdent pas cent piastres. Au décès du premier mourant des donateurs, la rente de farine, des oeufs, du sucre, du sirop, du thé et des poulets diminueront d'un tiers. Le reste ne diminuera pas. Au décès du dernier vivant des donateurs, la dite rente annuelle et viagère sera complètement éteinte et tous arrérages que pourra  alors avoir le donataire et pour lesquels il n'y aura pas eu de poursuite d'intentée, lui appartiendront. Le donataire sera tenu, au décès des donateurs, de les faire inhumer dans le cimetière de la paroisse de Contrecoeur avec , à chacun, un service du coût de seize piastres, et des messes pour compléter quarante piastres avec le coût du service.
        Le donataire sera obligé de livrer à sa soeur,  Delphina Bonin, à demande, une commode ou un bureau de toilette, un rouet et une vache. Tant que la dite Delphina Bonin ne se mariera pas, le donataire sera obligé de lui fournir une bonne chambre dans la maison, chauffée par lui, de lui fournir tout ce temps, deux carrés dans son jardin, qu'il devra, à demande, bêcher et fumer. Le donataire, tant que la dite Delphina Bonin occupera la dite chambre, sera obligé de la mener à l'église et partout où elle voudra aller se promener.
        Pour garantie du paiement de la dite rente annuelle et viagère, et de l'exécution des dites servitudes, la terre présentement donnée restera hypothéquée. Au moyen des présentes, le donataire devient propriétaire incommutable des biens présentement donnés, les donateurs s'en dessaisissant en sa faveur. Dont acte sous numéro six mille trois cents cinquante et un, fait et passé à Verchères sus dit, en l'étude du notaire soussigné. Et la dite Olympe Gendron a déclaré ne savoir signer de ce requise par le dit notaire qui l'a fait avec les autres comparants et le dit témoin, après lecture faite (Signé) Bruno Bonin, Arthur Bonin, W. Chicoine, Aimé Geoffrion. N.P.

 

Retour sur lecture
  1. cette donation est un bel exemple au point de vue de la forme exigée; elle a un caractère solennel (notariée en minute)
  2. elle est faite entrevifs, mais  la prise de possession n'est pas immédiate, elle est à terme (dans cinq ans pour la terre et les biens meubles, et au décès du dernier survivant des donateurs pour le mobilier.
  3. quand au fond, les biens sont bien décrits et aucun ne semble non conforme à la loi et à l'ordre public,  le donateur et le donataire sont majeurs et déclarés capables de contracter, etc.
  4. c'est une donation à titre gratuit: le donateur a l'intention d'avantager le donataire, mais elle est aussi à charge, lesquelles charges sont nombreuses et certaines sont en faveur d'un tiers (Delphina). Cependant certaines seront tombées caduques en quelques années seulement ; en effet , Bruno sera décédé en 1900 et Delphina sera mariée en 1903. Les charges devront donc être respectées envers Olympe jusqu'en 1911, année de son décès.
  5. après le terme de 5 ans (1904), moment de prise de possession de la terre et des biens meubles, le donataire aura à payer les dettes que de donateur aura faites de 1899 à 1904 (100$ et moins).
  6. il y a une garantie de paiement de la rente et de l'exécution des servitude; la garantie est sous forme d'hypothèque instaurée à l'aide de l'acte notarié.
  7. le consentement d'Olympe, l'épouse, est assuré par sa présence, même si elle ne savait pas signer son nom.

Et tout r�cemment, j'ai mis la main sur un autre acte notari� datant de 1857; c'est le verbatim d'une autre donation dans l'histoire de mes anc�tres directs. Ce texte m'a permis de remonter plus loin dans le temps et de d�couvrir que la terre que Bruno Bonin a laiss� en patrimoine � son fils Arthur lui avait d'abord �t� l�gu�e par son propre p�re Jean-Baptiste Bonin 40 ans plut�t. Cela vient confirmer ce que mon p�re me disait concernant une tradition de donations successives de p�re en fils dans la famille Bonin.

 

Donation de Jean-Baptiste  Bonin à son fils Bruno Bonin
16 mars 1848

 

D'abord situons les personnes impliquées dans cet acte notarié.

En 1858, Jean-Baptiste Bonin a 61 ans et son épouse Marie-Louise  Audet-Lapointe a 53 ans; ils sont mariés depuis 1825 et on déjà une très nombreuse famille:
Louise née en 1825
Adélaïde née en 1826
Clément né en 1831
Cléophas né en 1831
Clémence née en 1833
Bruno né en 1834
Sophie, née en 1836
Zoé, ?
Lina,  née en 1840
Eliza née en 1842
Joseph né en 1846, mort en bas-âge à 3 semaines
Marguerite née en 1847, probablement morte en bas-âge

Bruno vient de se marier en 1957 à Olympe Gendron, il a donc 24 ans.

Acte 3779
"Par devant, les soussignés, notaires publics pour le Bas-Canada, résidants dans le district de Montréal, ont comparu Monsieur Jean-Baptiste Bonin, cultivateur, demeurant en la paroisse de Contrecoeur, dans le dit district, et Dame Marie-Louise Audet dite Lapointe, son épouse qu'il autorise bien et dûment pour l'effet qui en suit. Lesquels ont, par les présentes, reconnu et confessé avoir fait donation entre-vifs pure, simple et irrévocable et en la meilleure forme que faire se peut, avec garantie de tous troubles, dettes, hypothèques, évictions et autres empêchements généralement quelconques à Monsieur Bruno Bonin, cultivateur, demeurant en la dite paroisse de Contrecoeur, leur fils ici présent et acceptant, pour lui, ses hoirs et ayant cause, savoir:
 1e  Une terre sise en la dite paroisse de Contrecoeur, au rang nommé le Brûlé, de la contenance de neuf perches de front sur sept arpents de profondeur, le tout plus ou moins, tenant au nord-ouest à François Malhiot Erc, Clément Dansereau Ecr, au sud-est au dit donataire, du côté nord-est le dit donataire et du côté sud-ouest Michel Dupont, en bois debout et sans bâtisse.
  2e  Une terre sise au même lieu, de la contenance de deux arpents et six perches de front sur trente arpents ou environ de profondeur, tenant au nord-ouest au dit donataire, au sud-est, Joseph Robillard, du côté nord-est Joseph Lamoureux et du côté sud-ouest Michel Dupont avec maison, grange, étable et autres bâtisses dessus construites. Ainsi que le tout se poursuit, comporte et étend de toutes parts circonstances et dépendances que le dit donataire dit bien savoir et connaître pour l'avoir vu et visité, et dont il se dit content.
  Aux dits donateurs, les portions de terre sus-données appartiennent pour les avoir acquises en vertu de bons et justes titres qu'il promettent remettre au dit donataire à demande. Mouvant les dites portions de terre en la censive de la Seigneurie de Contrecoeur d'où elle relève et envers le Domaine de la dite Seigneurie chargées de tels cens et rentes et droits seigneuriaux qu'elles peuvent devoir, quittes des arrérages d'iceux du passé jusqu'à ce jour. Pour des dites terres de dépendances en jouir, user, faire et disposer par le dit donataire, ses hoirs et ayant cause en toute propriété en vertu des présentes et commencer la jouissance à la St-Michel vingt-neuf septembre prochain.
  Donnent de plus les dits donateurs au dit donataire, les meubles et animaux suivants qu'il reconnaît avoir reçu d'eux aujourd'hui, savoir: un cheval, trois vaches, dix mères moutonnes, une taure d'un an, deux veaux du printemps, deux cochons du printemps et un d'un an, une charrue avec ses traits et basculs, deux herses à dents de fer, une grande charrette avec ses roues, une petite charrette propre et ses roues, une charrette à quart, un grand chaudron, un sofa avec son lit et couvertures.
  Se réservent les dits donateurs pour en jouir pendant  leur vie durante, à titre de constituant et précaire, et jusqu'au décès du dernier survivant d'eux, la moitié sud-ouest de leur maison qui est érigée sur la terre en second lieu ci-dessus désignée, ou de celle qui la remplacera, haut et bas, avec droit à la cave pour y loger leurs effets, leur jardin potager tel qu'il est actuellement enclos, lequel sera clos à l'preuve des animaux par le dit donataire; de plus un arpent en superficie de terre, à prendre au choix des donateurs, lequel sera aussi enclos par le dit donataire, lesquels jardins et arpents de terre seront fumés à la demande des dits donateurs par le dit donataire.
  Se réservent de plus les dits donateurs, une tasserie dans la grange de devant qui est érigée sur la dite terre, pour loger leur foin et autres fourrages, avec le droit dans tous les autres bâtiments pour y loger leurs animaux et leurs effets, droit au four pour y cuire leur pain, aux puits pour y puiser de l'eau, à la laiterie pour y mettre leurs effets et sur toutes les dites terres pour passer et repasser avec leurs employés, le droit de prendre du bois pour les divers ouvrages que le dit donateur voudra confectionner lui-même et ce qu'il manquera de bois de chauffage après ce que le dit donataire sera tenu de leur donner aura été dépensé, le droit d'élever  et garder un jeune cochon sur les dites terres et les pacages sur icelles, le droit de garder deux mères dindes et d'en élever les petits en ayant soin comme font ordinairement les cultivateurs, le droit d'élever un veau tous les ans et le pacager un an.
  Cette donation, cession, transport et délaissement ainsi fait à la charge des cens et rentes, et aux droits et devoirs seigneuriaux pour l'avenir seulement et en outre à la charge par le dit donataire ainsi qu'il le promet et s'y oblige de payer et bailler annuellement aux dits mari et dame donateurs pendant leur vie durante. Rendue en leur demeure en la dite paroisse de Contrecoeur, à commencer à la St-Michel, vingt-neuf septembre de l'année prochaine, savoir: vingt-quatre minots de beau blé, pur net et sec, livrable six minots à la St-Michel et le reste en janvier; un minot de sel, dix-sept minots de pois, vingt minots de belle et bonne avoine; six douzaines d'oeufs, livrables, moitié le printemps et le reste dans le cours de l'été; vingt livres de sucre, livrable dans le temps des sucres; en argent , six piastres; douze livres de bonne chandelle de suif; une livre de thé; six minots de blé d'inde; deux gallons de belle et bonne mélasse, un cochon à choix sur son troupeau; une paire de bottes, tous les ans (bottes à semelles) pour le donateur, une paire de souliers pour la donatrice, un habillement complet d'étoffe de chez les marchands, pour le donateur, tous les trois ans; dix cordes de bois de cordé, bois franc, rendu à leur porte et débité en bois de poêle, une corde d'éclat de four, tout le dit bois débité un an d'avance; six poulets gras; trois cents bottes de bons foin mil, bien conditionné. Sera tenu le dit donataire de pacager le cheval des dits donateurs avec les siens et de le mener et ramener au parc au besoin, et de le remplacer en cas de mort, infirmité ou vieillesse par un bon cheval solide et commode qu'il sera aussi tenu de remplacer pour les mêmes raisons; de plus leur fournir deux bonnes vaches laitières, lesquelles seront remplacées en cas de mort, maladie, vieillesse ou stérilité par le dit donataire et par lui pacagées et hivernées.
  Sera de plus tenu le dit donataire de servir ou de faire servir les dits donateurs pour leurs ouvrages du dehors le dit donateur ne pourra pas le faire, d'aller chercher le prêtre et le médecin en maladie, d'atteler et dételer  leur cheval et les chevaux de leurs parents et amis en visite et soigner ces derniers.
  De fournir et livrer à Louise, Adélaïde, Zoé ,Clémence, Sophie, Lina et Eliza Bonin, ses soeurs, à leur besoin, chacune un buffet, un rouet et le bois d'une couchette et de payer à Cléophas et à Clément Bonin, ses frères, deux ans après la mort du dernier vivant des dits donateurs, chacun trente six livres ancien cours. Et s'il arrive que les dits donateurs décédassent avant le mariage de leurs sept filles ou aucune d'entre elles ou avant leur décès, le dit donataire sera tenu et obligé de leur fournir la moitié de maison sus-réservée par les dits donateurs, laquelle sera chauffée par lui convenablement et de leur fournir, de la même manière qu'à ses dits père et mère, leur jardin potager et l'arpent de terre sus-réservé en faveur des dits donateurs qu'il sera tenu de fumer et enclore comme sus-dit, et de plus de les mener et ramener à l'église pour remplir leurs devoirs religieux, et ce tant qu'elles ne seront pas toutes mariées ou décédées.
  Sera de plus tenu le dit donataire de payer les dettes des dits donateurs, ses père et mère, si ils ne les ont pas payées avant sa prise de possession des terres sus-données, pourvu néanmoins qu'elles ne dépassent pas cinq cent livres ancien cours. Et au décès des dits donateurs, le dit donataire sera tenu de les faire inhumer avec chacun un service le corps présent si faire se peut, ou le plus prochain jour possible et de faire dire chacun trois basses messes pour le repos de leur âme aussitôt après leur décès, et chacun une grand messe à la même intention au bout de l'an de leur décès, les dites messes de Requiem. Et au décès du premier mourant des dits donateurs, la dite rente diminuera de moitié, excepté le sel, les pois, le cochon, le bois et la chandelle qui ne diminueront pas. Et au décès du dernier vivant des dits donateurs, la dite rente sera complètement éteinte.
  Et au moyen de tout ce dessus exprimé, les dits donateurs se démettent et dessaisissent de tous droits de propriété et autres généralement quelconques qu'ils ont et peuvent avoir  sur les choses présentement données pour en saisir le dit donataire ses hoirs et ayant cause, voulant qu'il en soit saisi et mis en possession par et ainsi qu'il appartiendra, constituant à cette fin pour procureur le porteur des présentes, lui donnant pouvoir de ce faire par ainsi.
  Et pour faire insinuer ou enregistrer les présentes, les parties ont constitué pour leur procureur, le porteur auquel.. Et pour l'exécution des présentes, les dites parties ont élu leurs domiciles en leurs demeures sus-mentionnées auxquels lieux.
  Fait et passé en la paroisse de Verchères en l'étude de F. Geoffrion, sous le numéro huit cent trente sept, l'an mille-huit-cent-cinquante-sept le vingt-sixième jour du mois de juin,  après midi. Et les dits donateurs déclarent ne savoir signer de ce requis par les dits notaires qui ont signé après lecture faite avec le dit donataire. (Signé) Bruno Bonin,
P. Chagnon, notaire, F. Geoffrion, notaire.

 

Conclusion

 

Voilà qui met fin à ma conférence. J'espère que cela aura permis à quelques-uns parmi vous d'avoir le goût et l'audace de s'attaquer à des documents juridiques, malgré le caractère aride de la plupart de ces documents. En Nouvelle-France, surtout pendant le régime français, les notaires ont joué un rôle d'une grand importance; pratiquement tout leur passait dans les mains; alors tout  généalogiste, même celui qui est amateur comme nous, peut enrichir ses recherches d'une façon appréciable s'il est capable d'utiliser les renseignements contenus dans les inventaires des notaires.