Familles Bonin

 

APPÂT DU GAIN

 

Nouvelle policière

 

-1-

 

Marc est un lève-tôt; en ce dimanche du 14 juillet, il enfila son pantalon de jogging sans réveiller Odette et, après quelques exercices de réchauffement, sortit faire sa course matinale; le soleil venait  de se lever et  Marc contemplait les rayons qui éclairaient son parcours; il n’était pas plus que cinq heures. En traversant le parc, près du bar du Carré St-Louis, il aperçut une forme sombre qui gisait près du sentier; il reconnut immédiatement une forme humaine et, en s’approchant, il vit un homme inerte et couvert de sang; il prit son cellulaire et contacta immédiatement le 9-1-1. On lui demanda de rester là jusqu’à l’arrivée des policiers et ambulanciers. Mike Taylor fût le premier policier sur les lieux du crime; après avoir remercié monsieur Chamberland pour son appel et sa disponibilité, il établit un périmètre de sécurité afin d’éviter que d’autres personnes approchent du corps car, avec l’arrivée des ambulanciers, les curieux avaient commencé à se multiplier. Pendant que les ambulanciers entrèrent en action, Mike contacta le bureau des enquêteurs de la police de Montréal; c’était Richard Chari le responsable de garde. Richard contacta à son tour Nicolas Fortin, le médecin légiste, et Brandon Sanschagrin, responsable des éléments de crime. Tout ce beau monde arriva à peu près en même temps au parc du Carré St-Louis. Les ambulanciers informèrent Nicolas de leurs constatations et prirent congé; ce dernier ne put que confirmer le décès de l’homme. Pendant que Brandon et son équipe se mettaient à pied d’œuvre, Richard rencontra monsieur Chamberland qui avait découvert le corps et contacté le 9-1-1. Ce dernier déclara qu’il n’avait vu personne à son arrivée et qu’il n’avait pas touché au corps. Après que Richard eut pris son identité et ses coordonnées, monsieur Chamberland repartit vers sa maison et se dit, qu’à partir de demain, il changerait son parcours pour éviter de se rappeler continuellement cette macabre découverte.
Le médecin légiste, Nicolas, informa Richard que le décès était tout récent car le corps n’était pas encore rigidifié; en fait le crime aurait eu lieu entre deux heures et quatre heures trente et l’homme sentait l’alcool. Il aurait été agressé par derrière avec un objet pointu et tranchant, probablement un couteau. Le portefeuille avait disparu et il n’y avait trace d’un cellulaire, ce qui rendrait la recherche d'identité un peu plus longue. Parmi les curieux sur place, personne n’a vu quoi que ce soit; on disait, à la ville, que le parc était plus sécuritaire depuis le décret interdisant aux prostituées d’y faire des affaires et aux sans-abri d’y dormir sous un arbre. Une fois que les photos du cadavre furent complétées, Richard fouilla les vêtements de l’homme qui portait un jean et un simple chandail; il ne trouva que quelques pièces de monnaies canadiennes et aussi un paquet de mouchoirs de papier de marque kleenex; autrement dit, il n’avait rien. Richard devrait peut-être patienter quelques heures avant que quelqu’un rapporte sa disparition. Le cadavre fut conduit à l’institut médicolégal pour que Nicolas puisse procéder à l’autopsie, alors que Brandon et son équipe ratissaient les alentours  et ramassaient tout ce qui pourrait les aider à identifier le cadavre et à expliquer les circonstances du meurtre.
Parmi les dernières disparitions répertoriées au poste, Richard ne trouvait  aucune  correspondance avec l’homme du parc; cependant vers vingt heures, le poste de police fut contacté par madame Julie Samson qui s’inquiétait de l’absence de son conjoint; la description sommaire, qu’elle fit, pouvait correspondre à la victime non identifiée; à la demande de Richard, madame, qui gardait contact par téléphone, fit parvenir par courriel une photo de son mari;  cette photo présentait suffisamment de similitudes avec celles prises de l’homme du parc pour croire qu’il s’agissait bien du mari de madame. Richard informa madame de la correspondance et dit qu’il se rendait immédiatement au condo du couple. Après qu’il eut pianoté le 312, madame Samson s’informa de l’identité de la personne et lui débarra la porte qui donnait accès aux appartements de l’édifice. Lorsqu’il sonna à la porte 312, il devait être environ vingt et une heures et madame ouvrit immédiatement.
—Bonjour madame Samson, je suis l’inspecteur Richard Chari.
—Entrez inspecteur; êtes-vous certain que la photo que je vous ai envoyée correspond à celle de mon mari?
—Je crois qu’il n’y a pas de doute, malheureusement.
Richard montra une des photos qui avait été prise de la victime.
—Oui, c’est Rigel; quand est-ce que je pourrai aller le voir?
—Dès demain, rejoignez-moi à l’institut médicolégal pour neuf heures et nous procéderons à l’identification officielle.
—Pourquoi l’institut médicolégal?
—Car le médecin légiste, Nicolas Fortin, nous aidera à préciser les causes de la mort en effectuant une autopsie.
—Comment est-il mort inspecteur?
—Il a été retrouvé dans le parc du Carré St-Louis, il a été attaqué par derrière et tué d’un coup de couteau, probablement; l’autopsie nous dira quel était son état avant d’être assassiné. Est-ce que vous savez ce que votre mari faisait dans ce parc aux petites heures du matin?
—Pas vraiment, je sais qu’hier, il jouait au hockey vers vingt et une heures trente et, après, il va habituellement prendre une bière avec ses chums; il revient généralement vers une heure, mais… pas cette nuit.
—Jouer au hockey en plein été?
—C’est du hockey bottine, mais il semble avoir autant de plaisir qu’au hockey sur glace.
—Madame Samson, je vais vous laisser vous reposer; je ne veux pas aller plus loin pour l’instant, étant donné que le corps n’est pas formellement identifié. Demain, nous tenterons de comprendre ce qui a pu se passer et de trouver des pistes qui pourraient nous conduire au meurtrier. Il serait aussi prudent, de votre part, de ne pas communiquer avec les proches de monsieur, tant que vous n’avez pas la preuve physique de son décès.
—Vous avez raison, inspecteur. Alors à demain matin, à l’institut à neuf heures.
En prenant congé, Richard ressentait une drôle d’impression; madame Samson s’était montrée en contrôle, mais elle semblait dissimuler aussi possiblement de l’inquiétude, mêlée à de la colère. Est-ce que madame Samson lui cachait quelque chose ou si ce n’était qu’une fausse impression.

 

-2-

 

Dès huit heures quarante-cinq, madame Samson était à l’institut médicolégal. Elle attendait impatiemment l’arrivée de l’inspecteur. En arrivant, Richard fit signe à madame de le suivre à la salle où Nicolas Fortin avait placé le corps pour l’identification; une fois les présentations faites, Nicolas souleva le drap, qui recouvrait l’homme du parc, et madame Samson toucha délicatement le front de son mari, avant de laisser couler quelques larmes. Elle se ressaisit rapidement et demanda quand pourrait-elle récupérer le corps. Nicolas lui répondit qu’il devait effectuer certaines analyses mais que le corps pourrait être amené dès la fin de la journée. Sur ce, Richard et madame Samson sortirent de la pièce et Richard demanda à madame de le suivre dans un bureau, que l’institut mettait à la disposition des enquêteurs.
—Comment allez-vous madame?
—Je vais bien inspecteur; dès hier, en voyant les photos que vous m’avez montrées, j’étais convaincue que c’était Rigel; j’ai quand même espéré recevoir un appel de sa part cette nuit, en imaginant que ce ne soit qu’un mauvais rêve. 
—Même si je sais que vous aurez plusieurs choses à organiser aujourd’hui, j’aurais besoin que vous me donniez quelques informations.
—Alors allons-y.
—Depuis quand connaissiez-vous Rigel?
—Nous nous sommes rencontrés il y a déjà sept ans, je crois; j’avais trente ans et je venais de réussir mon examen du barreau; Rigel agissait comme représentant d’un des commanditaires de la fête.
—Rigel était représentant pour quelle compagnie?
—Alouette à Sept-Îles; c’est un consortium au niveau de l’aluminium et ces entreprises sont souvent à la recherche de nouveaux diplômés, pour les aider à traduire en termes légaux les contrats avec leurs nombreux clients.
—Avez-vous été engagée par la compagnie?
—Non, mais je suis devenue la dame de compagnie de Rigel qui, pendant deux ans, s’est déplacé souvent pour venir me voir. Nous nous sommes mariés par la suite et avons acheté un condo à Longueuil. Rigel passait la semaine à Sept-Îles et les fins de semaine ici.
—Avez-vous des enfants?
—Non, mais dernièrement c’était un de nos projets.
—Quelle était la fonction de Rigel à l’aluminerie?
—Ingénieur; il travaillait sur un projet  qui permettrait de produire plus d’aluminium à moindre coût.
—Comment ça allait à ce niveau dans les dernières semaines?
—Je ne sais pas?
—Rigel n’en parlait pas?
—Non, Rigel ne pouvait plus en parler car il avait été renvoyé depuis trois mois. Il y avait des jaloux et la compagnie a demandé la démission de Rigel.
—Pour quel motif Rigel a-t-il dû démissionner?
—Certains de ses collègues auraient avancé que Rigel avait photographié des plans de la nouvelle machine qui devrait permettre de faire des gains importants de productivité, mais tout cela n’est que jalousie et mensonge, inspecteur.
—J’ai cependant l’impression que la compagnie a cru à ces rumeurs?
—Vous avez raison inspecteur, ce ne sont que des rumeurs, car la compagnie n’a rien pu démontrer. Néanmoins, vu qu’il y avait un bris du lien de confiance, comme on dit dans l’industrie, Rigel a dû quitter la compagnie.
—Que faisait-il depuis ce renvoi?
—Il cherchait un emploi dans la région et il me paraissait un peu découragé dernièrement.
—Et vous, est-ce que vous travaillez actuellement?
—Oui et c’est une chance, sinon comment ferions-nous pour payer notre condo.
—Pour qui travaillez-vous?
—Je travaille depuis maintenant cinq ans pour le bureau Casgrain qui offre, en sous-traitance, des services juridiques à de jeunes entreprises. Est-ce que nous pouvons arrêter ici inspecteur, car, comme vous l’avez dit, j’ai beaucoup de choses à faire aujourd’hui et je crains de manquer de temps.
—Bien sûr madame et toutes mes condoléances. Je vous recontacterai dans quelques jours, si cela vous convient.
—Sans problème inspecteur.
Sur ce, madame Samson quitta rapidement le bureau, pendant que Richard commençait à imaginer dans quelle magouille Rigel avait dû se lancer. Richard retourna voir Nicolas qui lui annonça qu’il pourrait obtenir  ses informations vers 16h. Richard se rendit ensuite voir Brandon au labo.
—Salut Brandon.
—Salut Richard, que me vaut l’honneur en ce beau lundi matin.
—Je suis venu t’informer que l’homme du parc s’appelle en fait Rigel Schmith et qu’il travaillait pour l’aluminerie de Sept-Îles.
—Tu les prends loin maintenant.
—Oui mais, si je veux me rapprocher du meurtrier, j’ai besoin que tu me dises ce que tu as trouvé hier sur la scène du crime.
—De tout et de rien.
—Tu m’aides beaucoup là, Brandon.
—Je sais, mais qu’est-ce que cela donnerait que je te dise qu’il y avait de nombreuses traces de pas, que nous avons ramassé des morceaux de papier, des bouts de cigarette, deux cannettes de bière, un peu de verre cassé; il y a aussi du poil d’écureuil et des plumes d’oiseaux. Comme tu vois, rien de rien.
—C’est en effet assez maigre.
—Peut-être que Nicolas aura plus d’informations à te fournir après son autopsie.
—Je l’espère aussi; tu conserves quand même tous ces objets hétéroclites, on ne sait jamais.
—Comme tu dis Richard.
Richard se rendit alors à son bureau, chercha quelques informations sur la compagnie Alouette et il prit contact avec la compagnie. Il était attendu le lendemain vers dix heures par le responsable du personnel, monsieur Émile Lebrun. Vers la fin de l’après-midi, Richard retourna voir Nicolas.
—Bonjour Nicolas, as-tu complété ton autopsie?
—Oui, la cause de la mort est bien reliée à l’assaut survenu dans le parc; l’objet, probablement un couteau, a traversé le dos sous les omoplates et a atteint le cœur. Ça devait être une grande lame et utilisée avec force.
—Au niveau de l’alcool?
—Il n’avait pas beaucoup bu.
—Donc, il devait avoir encore ses réflexes et malgré cela, il s’est fait attaquer.
—Oui, je dirais que c’est plus probablement par un homme, vu la force requise pour que l’objet atteigne le cœur.
—Est-ce que tu as des traces de lutte sur le corps?
—Pas des récentes.
—Que veux-tu dire Nicolas?
—Ce gars semblait assez sportif et il pourrait s’être cogné lors d’un exercice?
—Sa femme m’a dit qu’il jouait au hockey, est-ce que la blessure sur la peau pourrait venir de là?
—Probablement Richard, car la marque est située dans les côtes, c’est souvent un endroit qui est mal protégé dans ce sport.
—Est-ce que tes premières approximations de l’heure de la mort se tiennent encore?
—Tout à fait, je crois que le décès a eu lieu hier entre deux et quatre heures trente.
—Nicolas, as-tu d’autres éléments qui pourraient m’aider à réduire la liste des suspects?
—Malheureusement pour toi, le cadavre ne m’a rien révélé de plus que la cause et l’heure de son décès.
—J’étais certain que tu avais appris à les faire parler ceux-là?
—Même sous la torture, le corps n’a voulu rien dire.
—Cela fait en sorte qu’il peut avoir été agressé par n’importe qui, même par un vagabond qui passait par là?
—En effet, c’est possible.
—Bon alors, si tu n’as rien à me donner, je m’en vais.
—Salut quand même, Richard.
Richard quitta l’institut en même temps que les pompes funèbres faisaient leur entrée. Les observations de Nicolas et de Brandon étaient claires et indiquaient qu’il devrait se débrouiller tout seul cette fois-ci; journée payante, se dit-il. Il monta dans son bolide, une petite Honda Civic, et s’en alla perdre un peu de temps dans la circulation, avant de réussir à se rendre chez lui.

 

-3-

 

Mardi le 16 juillet, Richard prit un petit avion pour se rendre sur la Côte-Nord, cet arrière-pays qui fait un pays à lui seul. Il se souvint avoir déjà pêché dans la Moisie, il y a plusieurs années; Alouette était en construction à cette époque. Lorsqu’il descendit de l’avion, il prit un taxi qui le conduisit à l’Auberge des gouverneurs, hôtel où il résiderait pour une nuit ou deux. Après avoir déposé son bagage à l’hôtel, il repartit aussitôt pour l’aluminerie où il était attendu pour dix heures. Il fut impressionné par le gigantisme de ce complexe qui consommait autant d’électricité que toute la ville. Après avoir été identifié, il fut conduit immédiatement au département de la gestion du personnel où monsieur Lebrun l’attendait. Monsieur Lebrun occupait un grand bureau qui donnait vue sur la baie de Sept-Îles.
—Bonjour inspecteur, bienvenue dans la région.
—Merci monsieur Lebrun.
—Comment a été le voyage?
—Très bien.
—Que puis-je faire pour vous?
—J’enquête présentement sur le meurtre d’un de vos ex-employés?
—Ah oui, qui ça?
—Monsieur Rigel Schmith qui a été assassiné il y a deux jours dans un parc de la métropole. Combien de temps a-t-il travaillé chez vous?
—Monsieur Schmith est entré au service du consortium en octobre 2000 et il a démissionné il y a trois mois environ; donc, il a travaillé un peu plus de douze ans.
—Quelles étaient ses fonctions?
—Il était chargé de programme, c’était un ingénieur.
—Concrètement, il faisait quoi?
—Avec d’autres personnes, il travaillait à faire en sorte à optimiser les processus de fabrication de l’aluminium et depuis deux ans, environ, il avait été sélectionné pour faire partie d’une nouvelle l’équipe qui avait le mandat de réaliser une machine, capable de maximiser le rendement de vingt-cinq pourcent. Monsieur Brenner, chef de cette équipe, pourrait vous en dire plus.
—Savez-vous pourquoi il a démissionné?
—On nous a dit qu’il souhaitait vivre à temps plein avec son épouse qui habite Montréal, mais il y a aussi une rumeur comme quoi, il aurait voulu voler les plans du nouveau prototype de fabrication.
—Comment était-il avec les autres?
—C’est encore à monsieur Brenner que vous devriez poser toutes ces questions inspecteur.
—Pouvez-vous le contacter?
Monsieur Émile Lebrun rejoignit monsieur Brenner qui accepta heureusement de rencontrer immédiatement l’inspecteur. Richard fut escorté au bureau de monsieur Brenner par monsieur Lebrun qui s’esquiva aussitôt que les présentations furent faites.
—Bonjour inspecteur.
—Merci de me recevoir aussi rapidement; j’ai besoin de vous parler d’un de vos ex-employés?
—Oui, je sais. Rigel Schmith a été tué dimanche à Montréal.
—Depuis combien de temps monsieur Schmith travaillait dans votre équipe?
—Comme les autres membres de l’équipe, soit deux ans, car l’équipe a été formée à ce moment.
—Combien y a-t-il d’employés dans cette équipe?
—Il en reste quatre.
—Quels sont leurs noms?
—Il y a Drake Anderson, Luis Parls, Damon Burns et Naigy Druken.
—Comment monsieur Schmith était-il comme employé?
—Un très bon employé, minutieux et plein d’idées.
—Pourquoi a-t-il été congédié alors?
—Il n’a pas été congédié, il a démissionné.
—Dans les rangs supérieurs, c’est un peu la même chose non?
—Oui, il y  a du vrai là-dedans, inspecteur; la « démission » de monsieur Schmith fait suite à un problème de confiance avec l’entreprise et de relation avec les autres membres de l’équipe.
—Pouvez-vous être un peu plus clair, monsieur Brenner?
—Notre équipe travaille sur un projet secret qui devrait nous permettre de réduire nos coûts de production d’environ vingt-cinq pourcent.
—C’est énorme?
—Effectivement.
—Qu’a fait monsieur Schmith qui a miné sa crédibilité aux yeux de ses collègues et de la compagnie?
—Il a été soupçonné d’espionnage industriel, car il a été aperçu avec un appareil-photo dans la salle où sont les schémas de notre nouveau procédé de production.
—Est-ce qu’il a reconnu avoir pris des clichés de ces plans?
—Non, il a nié, prétextant qu’il avait simplement oublié l’appareil-photo dans sa poche et qu’il n’avait pas l’intention de trahir la compagnie.
—Est-ce que vous avez vérifié l’appareil-photo?
—Évidemment.
—Et alors?
—Rien de compromettant, sinon que de belles photos de la baie.
—Alors pourquoi l’avoir congédié?
—Sa démission a été simplement demandée pour le bien de l’équipe et aussi pour éviter que les autres lui fassent un mauvais parti.
—Qui a découvert que monsieur Schmith avait un appareil-photo sur lui?
—C’est Naigy Druken, une collègue.
—Est-ce qu’un membre de votre équipe pourrait avoir mis ses menaces à exécution?
—Inspecteur, personne de mon équipe n’a menacé Rigel; ils ont simplement pris une distance de lui et pour le bien de l’équipe, nous avons dû le remercier.
—Je croyais qu’il avait démissionné?
—Ne jouons pas sur les mots inspecteur; en outre, ce n’est pas un crime que de congédier une personne qui est soupçonnée d’avoir espionné.
—Avez-vous vérifié si tout cela n’était pas un coup monté contre monsieur Schmith?
—Avant que Naigy perçoive l’appareil-photo, Rigel était bien considéré dans l’équipe, même si sa personnalité un peu hautaine pouvait déranger parfois; cependant après cet incident, les perceptions négatives envers lui se sont  cristallisées, même si nous avons tenté de ne pas paniquer et de refaire l’unité. Il a alors accepté de démissionner, moyennant un an de salaire.
—Combien gagnait-il par année?
—Environ cent-vingt mille dollars.
—Est-ce que vous ou un membre de votre équipe était à Montréal dimanche?
—J’étais chez moi et mon épouse pourra le confirmer mais je ne sais pas ce que les autres font, lorsqu’ils sont en dehors du travail.
—Est-ce que vous pouvez demander aux membres de votre équipe de se regrouper pour quelques minutes au début de l’après-midi; j’aurais besoin de les entendre s’exprimer en regard du meurtre de leur ancien collègue?
—D’accord inspecteur, je vais les convoquer pour quatorze heures dans notre petite salle de réunion et vous pourrez leur parler.
Il était déjà midi trente lorsque l’entretien se termina. Monsieur Brenner prit alors le téléphone et envoya un message de groupe, où il spécifia que chacun devait être présent à la salle de réunion pour quatorze heures.
—Nous devrions aller manger un peu, qu’en pensez-vous inspecteur?
—Oui, je commence à avoir un petit creux; où pouvons-nous aller?
—Je vous invite à la cafétéria de la compagnie, car il serait trop long d’aller dîner en ville.
—Merci bien, j’accepte avec plaisir monsieur Brenner.
La discussion durant le repas pris la tournure d’un échange amical portant sur les attraits de la Côte-Nord versus la vie trépidante de Montréal. À l’heure prévue, les membres de l’équipe étaient dans la salle de réunion. Monsieur Brenner fit les présentations et laissa alors l’inspecteur avec les ex-collègues de monsieur Schmith.
—Bonjour à vous et merci de me permettre d’avoir vos commentaires concernant monsieur Schmith.
—C’est surtout monsieur Brenner qu’il faut remercier, dit Drake.
—J’ai besoin d’avoir des informations sur le fonctionnement de monsieur Schmith et sur vos contacts avec lui depuis que l’équipe est formée.
—Est-ce que vous proposez une thérapie de groupe inspecteur?
—Vous avez raison, monsieur…?
—Drake Anderson.
—Ça va aller mieux si je vous rencontre individuellement; je peux en rencontrer deux cet après-midi et les deux autres demain matin, si cela vous convient?
—Je suis disponible immédiatement, dit Drake.
—Je pourrais après, ajoute monsieur Parls.
—D’accord et demain je commence par qui?
—Damon Burns; je n’aime pas être le dernier, inspecteur.
—Moi, je n’ai pas peur de fermer la marche, dit Naigy Druken.
—Est-ce qu’il est possible de faire ces rencontres dans vos bureaux?
—Oui, car nous avons chacun un bureau fermé, précisa Naigy.
—Alors je vous laisse aller… et je vais vous suivre monsieur Anderson.
—C’est préférable si vous ne voulez pas vous perdre dans le labyrinthe des bureaux qu’il y a ici, dit Drake.
Richard suivi donc Drake qui semblait décontracté et même prendre cela un peu à la légère. Une fois assis.
—Vous avez un beau bureau monsieur Anderson.
—Vous allez voir, nos bureaux sont grands et beaux, mais ils se ressemblent tous.
—Vous savez que monsieur Schmith a été assassiné dimanche à Montréal?
—Oui les nouvelles voyagent rapidement, même ici.
—Que pouvez-vous me dire sur le fonctionnement de monsieur Schmith pendant les deux dernières années?
—C’est un homme qui travaillait bien et qui ne craignait pas d’avancer des idées.
—Un peu comme vous, il me semble?
—Effectivement, nous formions un bon tandem à l’occasion.
—Pourquoi monsieur Schmith a-t-il dû quitter la compagnie?
—Il était loin de son épouse, nous disait-il, mais il y a eu aussi le fait qu’il aurait tenté de s’accaparer les plans de la prochaine machine de production.
—Pensez-vous qu’il y avait du vrai au niveau de l’espionnage industriel?
—Difficile à dire car après que Naigy eut allégué cela, le climat s’est détérioré et Rigel a pris ses distances; en bout de ligne, il a dû quitter l’équipe.
—Est-ce que vous croyez que Naigy a inventé cela?
—Non, il est vrai que Rigel s’est fait prendre avec un appareil-photo dans les poches, mais sur la carte trouvée dans l’appareil, il n’y avait que des photos de Sept-Îles; Rigel a dit que c’était pour montrer à son épouse l’endroit où il passait la semaine.
—Pensez-vous qu’il soit possible qu’il ait eu le temps de photographier les plans de la prochaine machine et de changer la carte de son appareil avant de se faire prendre?
—C’est une possibilité, mais il faut aussi que vous sachiez que Rigel, qui disait s’ennuyer de sa femme, était assez près de Naigy.
—Est-ce qu’ils avaient une relation amoureuse?
—Je ne peux aller jusque-là, mais ils s’entendaient bien et Naigy n’a pas de conjoint.
—Comment est monsieur Brenner comme patron?
—C’est ok, il ne fait que de la gestion, alors que c’est nous les membres de l’équipe qui avançons les idées concrètes.
—Est-ce que les membres de l’équipe lui ont reproché le départ forcé de Rigel?
—Non, vu les allégations qui pesaient contre Rigel; vous savez, les gens détestent habituellement qu’une personne tente de voler le fruit de leurs efforts.
—Est-ce qu’une personne aurait été jusqu’à vouloir le tuer?
—Pas un membre de l’équipe certainement, mais j’avancerais une hypothèse farfelue; disons que la compagnie ait cru les allégations d’espionnage industriel, aurait-elle pu vouloir en avoir le cœur net et même aller jusqu’à l’éliminer.
—Vous me voler les mots de la bouche monsieur Anderson; s’il y avait du vrai dans cette hypothèse, qui serait l’homme de main de la compagnie?
—Aucune idée.
—Monsieur Brenner?
—Certainement pas car ce n’est pas dans sa personnalité; cependant les causes du départ de Rigel ont sûrement été entendues par différents échelons dans la compagnie et alors, les possibilités seraient nombreuses et impossibles à toutes identifier. Espérons que cette hypothèse farfelue soit restée au niveau de l’hypothèse et que le meurtre de monsieur Schmith soit indépendant des personnes reliées à la compagnie Alouette.
—Je l’espère pour vous tous, monsieur Anderson. Laissons les hypothèses et dites-moi où vous étiez dimanche entre deux et quatre heures trente.
—Je n’étais pas à Montréal, inspecteur. À cette heure-là, je dormais en compagnie de mon épouse; en passant inspecteur, durant la veillée de samedi, alors que mon épouse et moi, étions au restaurant, nous avons salué Luis Parls, qui y était aussi avec sa grande fille.
—Je vous remercie monsieur Anderson pour vos informations et aussi pour vos hypothèses.
—Aussi folles soient-elles?
—Ce sont souvent de bonnes pistes à explorer, comme dans votre métier lorsque vous avancez une idée qui paraît saugrenue au départ.
Richard se leva alors et quitta le bureau de Drake Anderson. Il se rendit immédiatement rencontrer Luis Parls qui l’attendait dans son bureau.
—Bonjour monsieur Parls, est-ce que c’est correct si nous commençons l’entrevue maintenant?
—Tout à fait; que voulez-vous savoir que Drake ne vous a pas dit?
—Comment est-ce que vous perceviez monsieur Schmith?
—Rigel était un bon travaillant, il avait aussi la capacité de conceptualiser et de concrétiser les idées.
—Qui est le véritable chef de l’équipe?
—C’est monsieur Brenner qui dirige, c’est Drake qui amorce le bal et Rigel qui synthétise.
—Et les autres?
—Chacun de nous contribuait aussi à l’avancée du projet à sa manière.
—Dans ses relations, comment était-il?
—Sans problème majeur jusqu’à ce que Naigy fasse des allégations d’espionnage industriel; la situation est devenue, par la suite, très tendue entre Rigel et Naigy et la méfiance s’est installée aussi de la part de nous tous.
—Son départ est plus relié à cette histoire qu’à son désir de se rapprocher de son épouse qui habitait Montréal?
—Je le crois.
—Comment était la relation entre Naigy et Rigel, avant qu’elle émette ses allégations?
—Il y avait une belle complicité entre les deux; il faut dire que Naigy est séduisante et que chacun de nous aimait être près d’elle.
—Est-ce qu’il y avait une relation amoureuse entre Naigy et Rigel?
—Je ne pourrais dire.
—Qui aurait voulu du mal à Rigel?
—Nous lui en voulions tous un peu, car on s’est senti trahi, mais je ne pense pas qu’un d’entre nous ait pu faire ça.
—Où étiez-vous dimanche entre deux et quatre heures trente?
—J’étais dans mon lit; je me suis couché vers vingt-trois heures samedi, après avoir passé une partie de la veillée au restaurant avec ma fille et plusieurs personnes pourront en témoigner au besoin.
—Je crois bien que ce ne sera pas nécessaire, monsieur Parls; je vous remercie de vos informations et bonne fin de journée.
Richard se rendit ensuite au bureau de Danif Brenner pour l’informer qu’il avait décidé de faire des rencontres individuelles et qu’il reviendrait demain matin pour rencontrer Damon et Naigy. —Monsieur Brenner, qui dans la compagnie est au courant que Rigel a été congédié car il a été soupçonné d’espionnage industriel?
—Les membres de l’équipe et la haute direction
—Quelle a été la réaction du syndicat suite à ce renvoi?
—Les membres de mon équipe ne sont pas syndiqués et ils bénéficient de meilleures conditions que les syndiqués qui sont déjà très bien payés.
—Comment a réagi la haute direction lorsqu’elle a appris les faits?
—Les allégations vous voulez-dire. Moi et monsieur Schmith avons été convoqués et malgré, que Rigel plaidait l’erreur, il a dû remettre sa démission; je ne pouvais rien faire pour lui.
—Personne n’a pu prouver qu’il avait espionné à ce que je sache?
—Vous avez raison, inspecteur; cependant, il a enfreint le règlement qui interdit formellement d’apporter un appareil-photo dans cette section de l’usine et cette erreur, si c’en était une, a miné la confiance que les gens et la direction avaient envers lui.
—Vous avez aussi douté de lui, monsieur Brenner?
—Évidemment et c’est pour cela que j’ai informé la haute-direction. Je ne pouvais attendre que la direction l’apprenne par quelqu’un d’autre, car c’est mon poste qui aurait été en jeu alors, vous comprenez inspecteur?
—Oui et je vous remercie de ces informations; en finissant, est-ce qu’il se pourrait que la compagnie ait mandaté quelqu’un pour suivre monsieur Schmith et le tuer à Montréal?
—Vous y allez un peu fort inspecteur; je ne pense pas cela; la perte de son emploi et un dossier entaché sont déjà une sentence très dure, vous savez. 
—Je vais aller me reposer et je reviendrai demain pour rencontrer les deux autres membres de votre équipe.
—Je termine dans trente minutes, je pourrais vous ramener en ville si vous le souhaitez.
—Merci bien monsieur Brenner, mais je vais me prendre un taxi, ça sera plus rapide.
—Pas nécessairement car la station de taxi est à vingt-cinq kilomètre d’ici vous savez.
—Eh bien, je vais alors vous attendre à la cafétéria.
Monsieur Brenner compléta son travail et reconduisit ensuite Richard à son hôtel; il lui offrit même de l’amener le lendemain matin, offre que Richard refusa poliment cette fois. Richard alla souper chez Omer, restaurant qu’on lui avait recommandé pour ses fruits de mer, et marcha ensuite sur la promenade qui longe la baie de Sept-Îles et qui permet de voir Alouette de l’autre côté de cette grande baie. Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, Richard retourna chez Alouette et, à l’heure convenue, il était au bureau de monsieur Damon Burns qui l’attendait.
—Bonjour monsieur Burns.
—Bonjour inspecteur, entrez et asseyez-vous; avez-vous passé une bonne nuit?
—Très bonne; et vous?
—Moi aussi; qu’est-ce que vous voulez savoir concernant Rigel?
—Est-ce que vous croyez que monsieur Schmith a volé les plans secrets?
—Je ne peux l’affirmer mais les indices étaient contre lui.
—On m’a dit qu’il n’y a pas eu de preuves officielles d’espionnage?
—C’est vrai, cependant pourquoi avoir apporté un appareil-photo alors?
—Un simple oubli possiblement?
—J’en doute fort.
—Comment était-il avec vous?
—Il était correct, même si je le trouvais parfois un peu prétentieux.
—Et avec Naigy, comment se comportait-il?
—Un peu trop entreprenant, pour un homme qui disait s’ennuyer de sa femme.
—Est-ce que l’intérêt que chacun semble porter à Naigy a déjà créé des froids dans l’équipe?
—Non, pas vraiment.
—Est-ce que vous vivez en couple monsieur Burns?
—Non, pourquoi?
—Simple question; où étiez-vous dimanche?
—J’étais dans la région de Montréal?
—Où à Montréal?
—Samedi, j’étais au salon nautique à la Place Bonaventure, car je voulais voir les nouveaux bateaux sur le marché.
—Où avez-vous couché?
—J’avais réservé une chambre au Hilton, ils pourront  certainement le confirmer; j’ai repris l’avion dimanche vers dix-sept heures.
—Est-ce que vous avez vu monsieur Schmith durant cette fin de semaine?
—Non.
—Vous savez que Rigel a été tué vers deux heures dimanche.
—Oui et est-ce que mon goût pour les bateaux fait de moi un suspect, inspecteur?
—Non, mais la manière dont vous me parler de Rigel et votre attirance pour Naigy peuvent constituer un mobile.
—Quelle attirance?
—Est-ce que vous niez être attiré par elle?
—Non, mais je ne l’ai montrée à personne, même pas à Naigy.
—Et vous espérez qu’elle s’en aperçoive?
—J’aimerais bien, en effet. Si elle s’intéressait à moi, je pourrais même acheter un bateau et lui proposer des excursions.
—Monsieur Burns, je vais devoir vérifier votre alibi; où avez-vous passez la veillée de samedi?
—Après avoir été au salon nautique, j’ai soupé dans un restaurant et j’ai passé la veillée et …la nuit à l’hôtel; le dimanche en après-midi, j’ai été faire un tour au Vieux-Port avant de prendre l’avion pour revenir à Sept-Îles. J’ajouterais que mon intérêt pour Naigy et les bateaux ne devrait pas faire de moi un suspect?
—Votre passion pour les bateaux, non, mais celle pour Naigy pourrait être considérée, monsieur Burns. Si quelqu’un peut confirmer que vous avez passé la nuit à l’hôtel, je vous éliminerai de ma liste des suspects.
—Il devait être vingt et une heure lorsque je suis retourné à l’hôtel et j’en suis ressorti dimanche vers onze heures afin de dîner avant de me rendre au Vieux-Port. Est-ce assez précis pour vous, inspecteur?
—Je vous sens passablement agressif, monsieur Burns?
—Il y a de quoi, j’ai l’impression que vous croyez que j’aurais pu tuer Rigel vu qu’il se montrait entreprenant avec Naigy?
—Nous allons arrêter sur cette hypothèse, monsieur Burns; dites-vous bien que vous n’avez rien à craindre, si vous m’avez dit la vérité.
—C’est la pure vérité inspecteur; j’aimerais que vous ne révéliez pas à Naigy ou à d’autres, mon intérêt pour elle.
—Entendu monsieur Burns.
Richard quitta le bureau de monsieur Burns afin de rencontrer Naigy, celle par qui tout semble avoir commencé. Lorsque Richard cogna au bureau de Naigy, celle-ci se leva et vint rapidement ouvrir. Richard perçut un suave parfum qui enveloppait la pièce.
—Bonjour madame Druken, comment allez-vous ce matin?
—Très bien et vous inspecteur?
—Très bien aussi, je crois que l’air pur de Sept-Îles est vivifiant. Que pouvez-vous me dire concernant Rigel?
—Monsieur Schmith travaillait bien et il était perçu positivement par l’équipe, tant qu’il n’a pas espionné.
—C’est vous qui avez découvert ce qu’il voulait faire?
—Oui, il avait caché un appareil-photo miniature dans la poche intérieure de son veston et lorsqu’il s’est approché pour m’apporter un café, j’ai vu qu’il avait quelque chose dans la poche.
—Vous l’avez vu directement?
—Non.
—Comment alors?
—En fait, inspecteur, monsieur Schmith ne m’a pas apporté de café mais il a essayé de m’embrasser et j’ai senti qu’il avait quelque chose dans la poche de son veston, lui qui n’en mettait presque jamais.
—Qu’avez-vous fait alors?
—Je l’ai repoussé et lui ai dit que s’il recommençait je porterais plainte pour harcèlement sexuel; il s’est reculé et il a essayé de tourner cela en farce; j’ai sorti de mon bureau et j’ai  informé monsieur Brenner que je suspectais Rigel de cacher quelque chose dans son veston. Monsieur Brenner et un agent de la sécurité ont ensuite rencontré monsieur Schmith et ils ont effectivement trouvé un appareil-photo.
—Est-ce que l’objet aurait pu être autre chose qu’un appareil-photo?
—Oui, j’ai pris le risque de mon tromper pour le bien de l’équipe.
—Ou pour vous venger de ce qu’il vous avait fait?
—Peut-être un peu, si je veux être honnête.
—Pour continuer sur cette lignée, pourquoi vous ne me dites pas tout concernant votre relation avec monsieur Schmith?
—Que voulez-vous dire inspecteur?
—La manière dont vous parlez de monsieur Schmith m’amène à croire que vous étiez jalouse?
—Moi, jalouse, vous vous trompez complètement inspecteur. Monsieur se montrait enjôleur mais ça ne marchait pas avec moi?
—Avec qui est-ce que ça marchait?
—Je ne sais pas mais j’avais l’impression qu’il me prenait pour acquise vu que nous avions couché ensemble une fois, suite au party des Fêtes. Après cela, il me faisait des promesses, comme quoi, il laisserait sa femme pour s’établir avec moi à Sept-Îles; mais vous connaissez bien les hommes, inspecteur.
—Et les femmes qui inventent des histoires d’abus sexuel pour un baiser, alors qu’elle accepte de coucher avec le gars auparavant, ce n’est pas très logique.
—C’était seulement pour lui mettre de la pression, car je n’ai  parlé du baiser à personne ni parti de rumeur concernant un abus sexuel; cela était entre nous. Malgré cette pression, monsieur continua à s’excuser et à dire qu’il m’aimait, mais il ne faisait rien. Je ne suis pas une poire, inspecteur. Il a eu ce qu’il méritait.
—Vous voulez dire le fait qu’il soit mort?
—Non mais, vous ne comprenez donc rien à Montréal, je veux dire en ce qui concerne son renvoi pour espionnage.
—Comment avez-vous su qu’il voulait espionner?
—Il s’était déjà ouvert sur la possibilité de photographier les plans de la machine de production.
—À qui s’était-il ouvert madame Druken?
—À moi; ça devait être pour tenter de m’impressionner et de me montrer ce qu’il pourrait faire pour moi; du vent, rien que du vent.
—Où étiez-vous dimanche qui vient de passer?
—Aucun danger que je me sois sali les mains pour un beau parleur de ce genre.
—Peut-être quelqu’un, par amour, aurait été prêt à vous aider à l’éliminer.
—Vous fabulez inspecteur, je n’ai besoin de personne lorsque je veux faire quelque chose. Cependant, je vous le répète, je n’ai pas tué Rigel, ni demandé à quelqu’un de le faire pour moi.
—Alors où étiez-vous dimanche passé?
—Je suis allée me baigner à la plage à Moisie; il faisait chaud, pour une fois, et peut-être que j’aurais pu y rencontrer quelqu’un d’intéressant.
—Avez-vous rencontré quelqu’un qui pourrait confirmer cela?
—Si vous doutez de moi, vous n’avez qu’à vous informer à la dame du camping qui tient un casse-croûte; elle devrait confirmer ma présence en après-midi.
—Et le matin?
—J’étais dans mon lit, seule.
—Et le samedi soir?
—En veillée, j’ai été danser au club avec Ginette, qui est secrétaire dans le département de l’administration. En avez-vous assez, ou si vous avez besoin de savoir quand je suis allée aux toilettes?
—Vous n’êtes pas facile madame Druken.
—Je n’aime pas me faire accuser.
—Je ne vous accuse pas, je fais simplement une enquête et vous pourriez avoir un bon mobile.
—Peut-être, mais j’ai un bon alibi; alors laissez-moi tranquille.
—Merci madame Druken pour votre collaboration!!!
—Le sarcasme  ne vous va pas inspecteur.
Sur ce, Richard laissa madame Druken qui peinait à contenir sa rage. Richard retourna saluer monsieur Brenner avant de repartir, en taxi, pour la ville; après le dîner, il s’installa à la bibliothèque pour rentrer quelques notes sur son ordinateur avant de prendre le chemin de l’aéroport et de retourner à Montréal. En veillée, il rejoignit madame Eller, mère de Rigel, qui accepta de le recevoir le lendemain matin.

 

-4-

 

Avant de se coucher, Richard, fidèle à son habitude, fit un petit bilan de son escapade sur la Côte-Nord. Drake Anderson, la grande gueule, et Luis Parls, qui étaient tous les deux au restaurant samedi précédent le meurtre, sont à éliminer des suspects. Damon Burns, l’amoureux secret, semble avoir un mobile et aussi la possibilité d’avoir tué Rigel, vu qu’il était aussi à Montréal et que son alibi n’est pas très solide. Mademoiselle Druken, s’est vengée de Rigel, en lui faisant perdre son emploi; est-ce qu’elle aurait pu aller jusqu’à demander à Damon ou un autre de finir le travail  pour elle? Monsieur Brenner offre un alibi qui devrait être à vérifier au besoin. Finalement, est-ce que quelqu’un dans la haute-direction d’Alouette aurait pu faire éliminer Rigel, qui a peut-être effectivement volé les plans? Est-ce que monsieur Brenner aurait été mis dans le coup, si coup il y a, vu qu’il était le responsable de Rigel?

Le lendemain matin, Richard sonna à la porte de madame Eller qui lui ouvrit immédiatement.
—Bonjour madame Eller, je suis l’inspecteur Richard Chari.
—Bonjour inspecteur, je vous attendais; entrez.
—Comment ont été les obsèques hier?
—Émotives; vous savez, nous avons tous beaucoup de questions concernant ce meurtre; avez-vous des réponses?
—C’est encore trop tôt pour se prononcer; cependant, vous pourrez peut-être m’aider à découvrir l’assassin de votre fils. Selon vous, qui aurait eu avantage à ce qu’il disparaisse?
—Je ne vois que Julie.
—Julie Samson, la conjointe de Rigel?
—Oui inspecteur.
—Qu’est-ce qui vous amène à penser cela?
—Je ne l’ai jamais aimée; elle est ambitieuse, exigeante et je ne suis pas certaine qu’elle était fidèle à Rigel.
—Quel est votre lien avec elle?
—Hypocritement bon, je ne voulais pas faire de peine à Rigel.
—Est-ce que Rigel vous a déjà parlé de sa relation avec Julie?
—Oui, il disait que ça allait bien, mais en fait, comment un couple peut-il entretenir l’amour lorsque chacun est très occupé et qu’ils ne se voient que la fin de semaine et parfois pas.
—Vous parliez de fidélité précédemment, avez-vous des indices d’une infidélité de Rigel ou de Julie?
—Non, mais une mère sent ça, lorsque son garçon n’est pas très heureux.
—Savez-vous pourquoi Rigel a dû démissionner de son emploi chez Alouette?
—Il avait oublié son appareil-photo dans ses poches et une collègue l’a dénoncé en laissant sous-entendre qu’il aurait voulu photographier des plans secrets.
—Est-ce qu’il y a du vrai à ce niveau, selon vous?
—Pas du tout; pourquoi aurait-il fait cela?
—Pour de l’argent habituellement?
—Il ne manquait pas d’argent, quoique Julie voulait toujours faire des voyages; ce n’est pas une fille de maison, vous savez?
—Oui, je sais qu’elle travaille comme avocate chez Casgrain.
—Vous avez raison et toujours pas de bébé.
—Depuis plusieurs années madame, les femmes, comme les hommes, font souvent passer leur carrière avant la famille.
—Et l’on voit aussi plus de divorce et d’instabilité pour les enfants lorsqu’ils en ont.
Voyant bien que madame Eller ne lui apporterait rien de plus, Richard la remercia et retourna à son bureau qu’il avait délaissé depuis quelques jours. En retrouvant son environnement habituel, il constata une note que le constable Michaud avait posée sur son écran d’ordinateur. Richard prit le téléphone et contacta Serge Michaud.
—Oui?
—Ici l’inspecteur Chari, est-ce que je parle bien au constable Michaud?
—Oui inspecteur; vous m’appelez pour la note que je vous ai laissée sur l’ordinateur?
—Oui, en effet; qu’en est-il au juste?
—Eh bien, mardi soir j’ai dû intervenir dans le parc du Carré St-Louis, car il y avait une bagarre entre deux itinérants; l’un des itinérants aurait voulu prendre le portefeuille que Raoul Kimberly dit avoir trouvé dimanche matin; ce portefeuille appartenait à Rigel Schmith.
—Est-ce que monsieur Kimberly est actuellement détenu?
—Non inspecteur, car il a accepté de me remettre le portefeuille qu’il dit avoir trouvé par terre dans le parc; je n’ai pas poussé plus loin l’affaire car, à ce moment-là, je n’avais pas en tête l’assassinat de monsieur Schmith; j’ai su ensuite que vous étiez responsable de cette enquête et c’est pourquoi, je vous ai laissé un petit mot.
—Qu’avez-vous fait du portefeuille?
— je l’ai remis à Brandon, notre spécialiste des empreintes, en lui disant que vous étiez responsable de cette enquête.
—Est-ce que vous savez où je pourrais trouver monsieur Kimberly?
—Il semble qu’il va souvent à la soupe populaire offerte par Ti-Père.
—Bon, merci bien de l’information constable Michaud.
—De rien, inspecteur.
—Merci encore et bonne journée.
Richard coupa la communication et, vu qu’il était près de midi, il se rendit en tout hâte au labo de Brandon.
—Bonjour Brandon, je crois que tu as quelque chose pour moi?
—Tu parles du portefeuille de Rigel Schmith?
—Exact; qu’as-tu trouvé?
—Que c’est un homme qui avait passablement de cartes de crédit.
—Comme tous les Québécois; quelles sont les empreintes que tu as identifiées?
—Celles de monsieur Schmith, du constable Michaud qui m’a remis le portefeuille et celles de Raoul Kimberly, l’itinérant.
—Pas d’autres?
—Non.
—Je vais apporter le portefeuille, car je veux aller rendre visite à monsieur Kimberly.
—Voilà.
Brandon lui remit alors le portefeuille.
—Merci Brandon et bon dîner.
Richard se rendit ensuite chez Ti-Père avec l’espoir d’y trouver Raoul Kimberly. Il y avait du monde ce midi, même un peu étonnant qu’il y ait autant de personnes. Richard remarqua qu’il y avait des jeunes adultes et même quelques enfants accompagnés d’un parent. Cela semblait prouver ce que révélaient les recherches, à savoir que la pauvreté gagnait du terrain malgré la mondialisation, à moins que ce soit à cause de celle-ci. Richard demanda à quelques préposés si Raoul Kimberly était présent ce midi; Jacques Vadeboncoeur, qui le connaissait un peu, put l’identifier parmi les convives. Richard attendit que Raoul rapporte son assiette et l’aborda.
—Bonjour monsieur Kimberly, je suis l’inspecteur Chari et j’aimerais vous parler.
—Qu’est-ce que j’ai fait?
—Rien de grave, j’en suis sûr.
—Alors que voulez-vous?
—J’aimerais savoir comment vous êtes venu en possession du portefeuille de monsieur Rigel Schmith?
—Je l’ai trouvé dans le parc du Carré St-Louis.
—Pouvez-vous me dire quand?
—J’en ai parlé avec un autre policier il y a quelques jours, allez lui en parler si vous voulez savoir.
—Je pourrais vous amener au poste pour en parler plus sérieusement, si vous ne voulez pas m’expliquer; alors?
—Il était tôt dans la nuit, je suis passé dans le parc et j’ai vu un homme étendu par terre; je pensais qu’il dormait mais j’ai vu qu’il était mort et qu’il avait son portefeuille dans ses poches; je l’ai pris tout simplement car l’argent ne lui servait plus à rien.
—Combien avait-il d’argent dans le portefeuille?
—Soixante dollars et des cartes.
—Pourquoi n’avez-vous pas appelé la police?
—Je n’ai pas de téléphone et je ne voulais pas être embêté; de toute façon, il n’y avait plus rien à faire pour lui.
—Je pourrais vous arrêter pour avoir volé le portefeuille et ne pas avoir averti les policiers; en outre qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas vous qui l’avez tué?
—Je ne suis pas un tueur, inspecteur.
—Vous vous êtes bien battu mardi soir.
—Dans mon monde, il faut apprendre à défendre sa peau.
—Et, on prend tout ce qui passe, sans scrupule.
—Si vous voulez m’arrêter, faites-le, mais je vous dis que je n’y suis pour rien.
—Il y a vos empreintes sur le portefeuille de la victime.
—J’imagine, mais cela ne fait pas de moi un meurtrier?
—Non, mais si vos empreintes sont sur la victime, que vous avez son portefeuille et que vous n’avez pas d’alibi, il serait possible qu’un jury vous condamne, si on vous accusait formellement.  Est-ce que vous avez un couteau?
—Je peux me défendre sans cela et je sais que si j’en possédais un, il serait facile de me mettre des délits sur le dos.
—Avez-vous vu quelqu’un lorsque vous vous êtes approché du corps?
—Non, il n’y avait personne; s’il y avait eu quelqu’un je n’y aurais pas été, je ne cherche pas le trouble. Je veux la paix et, ce matin-là, j’ai eu la chance de trouver un peu d’argent, ce n’est pas un crime?
—Le trouver non, le voler oui? Avez-vous pris autres choses dans le portefeuille?
—Je n’ai pas touché à ses cartes et je n’ai rien vu d’autres; le portefeuille a été apporté par le policier qui est intervenu il y a quelques jours.
—Pourquoi avoir apporté le portefeuille en plus de l’argent?
—On ne sait jamais, j’aurais pu aussi le vendre; je sais que ce n’est pas brillant et que j’aurais eu moins de trouble si je n’avais pris que l’argent.
—Vous auriez aussi plus l’âme en paix, si vous aviez appelé les secours au lieu de voler une victime.
—Il faudrait maintenant s’occuper des morts, alors que bien des gens ne se préoccupent même pas des vivants.
—Belle justification monsieur Kimberly.
—Ce n’est pas une justification mais la réalité inspecteur. Bon alors vous m’arrêtez ou pas?
—Pas pour l’instant, mais on se reverra probablement, à moins que vous tentiez de vous en sortir d’ici-là.
—Je me débrouille très bien comme ça inspecteur, merci de vous en soucier.
Raoul s’éloigna rapidement tandis que l’inspecteur retourna au bureau. Comme convenu, Richard se présenta au domicile de Rigel à dix-neuf heures afin d’y rencontrer la veuve, madame Julie Samson. Madame Samson répondit rapidement à la demande de l’inspecteur d’ouvrir la porte, qui permettait d’accéder aux condos, et lorsqu’il arriva à l’appartement 312, madame Samson l’attendait la porte entrouverte.
—Bonsoir inspecteur, entrez.
—Je vois que vous avez l’air en forme madame Samson?
—Un peu étonnant pour une femme qui vient de perdre son conjoint, pensez-vous?
—Ce n’est pas ce que je voulais dire, c’est simplement que vous me paraissez énergique.
—Je l’ai toujours été et j’ai appris à faire face aux situations en luttant plutôt qu’en m’apitoyant.
—C’est une attitude souvent payante, madame Samson. Bon alors, parlez-moi de Rigel.
—Rigel était un bon travaillant, chacun doit vous l’avoir dit?
—En effet, j’ai  rencontré ses ex-collègues à Sept-Îles et ils étaient unanimes à ce niveau.
—Sur quoi, y avait-il des différences?
—Sur le fait qu’il ait photographié ou pas les plans de la future machine de production.
—C’est une femme qui a indiqué que Rigel avait un appareil-photo?
—C’est vous qui posez les questions madame Samson?
—Je m’excuse inspecteur, c’est dans ma nature de chercher à savoir et j’aime aussi diriger.
—Oui, c’est une femme qui a révélé que Rigel avait un appareil-photo; est-ce que Rigel vous a déjà parlé de madame Naigy Druken?
—Il m’a juste dit que c’était une collègue et qu’elle avait fait cela, car il ne répondait pas à ses avances.
—Ce n’est pas la version qu’elle m’a présentée.
—Elle vous a dit quoi, inspecteur?
—Un peu l’inverse de ce que vous aurait dit votre mari.
—Elle a dit qu’il lui courait après alors?
—Est-ce que vous avez déjà pensé que Rigel aurait pu vous tromper?
—Oui, j’y ai déjà pensé, mais il m’a toujours assuré qu’il ne se laissait pas distraire.
—Comment était votre vie amoureuse?
—Beaucoup mieux depuis qu’il ne travaillait plus à Sept-Îles, on avait la chance d’être plus souvent ensemble, même si mon travail est assez exigeant.
—Vous travaillez à l’étude Casgrain?
—Oui et je dois parfois travailler tard pour rédiger un contrat ou finaliser une entente, etc.
—Comment réagissait Rigel à cela?
—Très bien, car je passais toutes mes semaines seule alors qu’il travaillait à Sept-Îles.
—Est-ce que vous fréquentiez des amis en l’absence de Rigel?
—Question détournée pour savoir si j’avais un amant inspecteur?
—Oui vous avez raison madame Samson; et puis qu’en est-il?
—J’ai toujours refusé les avances que certains collègues pouvaient me faire?
—Un peu comme Rigel à Sept-Îles?
—Probablement inspecteur.
—Pour quelle raison croyez-vous que votre mari a été tué?
—Probablement pour prendre son argent?
—Quel argent?
—Celui qu’il avait dans son portefeuille, j’imagine?
—Possible, mais nous avons retrouvé le portefeuille et la personne qui l’avait pris.
—Et puis?
—Eh bien, c’est un pauvre bougre qui peut voler facilement, mais qui ne me semble pas être un meurtrier.
—Qui est cet homme?
—Je ne peux en dire plus pour l’instant. Où étiez-vous dans la nuit de samedi à dimanche?
—Je vous ai dit l’autre jour que Rigel avait joué au hockey-bottine en veillée, samedi; eh bien, j’ai été le voir jouer et après la partie, il devait être environ vingt-trois heures, je suis revenue à la maison et je me suis couchée, sachant que Rigel irait avec ses chums prendre une bière et ne reviendrait pas avant une heure.
—Est-ce que vous connaissez les amis de Rigel?
—Non pas vraiment car Rigel est nouveau dans cette ligue; je sais qu’il appelait parfois le capitaine, s’il ne pouvait y aller ou pour avoir des informations.
—Pouvez-vous me trouver le nom et le téléphone de cette personne?
—C’est dans l’appareil de Rigel; mais au fait, avez-vous retrouvé son téléphone?
—Non, personne n’en a fait mention; êtes-vous certaine qu’il l’avait avec lui?
—Oui, inspecteur, il l’apportait toujours.
—À quel endroit est située la patinoire?
—C’est dans le parc au coin Henri-Bourassa et Lajeunesse.
—Merci bien madame Samson, je vous tiendrai au courant de l’enquête.
—Je l’espère bien inspecteur, car c’est mon mari qui a été tué.
Richard quitta l’appartement de madame Samson en ayant l’impression qu’elle lui cachait encore des choses, même si la révélation de l’absence du cellulaire pouvait lui être utile. Vu l’heure avancée, il décida de retourner simplement à son appartement et de se reposer, en écoutant un peu de télévision. Le lendemain, soit le vendredi 19 juillet, en entrant au poste, il fit passer le message qu’il cherchait à entrer en contact avec Raoul Kimberly; une heure plus tard, Raoul avait été retrouvé et amené au poste.
—Rebonjour monsieur Kimberly.
—Pourquoi voulez-vous me voir inspecteur, je vous ai tout dit hier?
—Vous avez répondu à mes questions, mais j’ai oublié de vous en poser une?
—Laquelle?
—Qu’avez-vous fait du cellulaire?
—Qu’est-ce qui vous dit qu’il en avait un?
—Sa femme; alors qu’est-ce que vous en avez fait?
—J’ai regardé les photos et aussi ses contacts.
—Et puis après?
—Rien inspecteur.
—Comment ça, vous n’avez pas essayé d’appeler?
—Pour dire que c’est moi qui ai le téléphone du gars qui est mort, un fou dans une poche.
—Je vois bien que vous êtes loin d’être fou, alors qu’en avez-vous fait?
—J’ai trouvé des jeux sur le téléphone et j’ai essayé mais c’est trop vite pour moi et ensuite, il n’y avait plus de batterie, alors je l’ai jeté.
—Où?
—Dans une poubelle, je respecte l’environnement moi inspecteur.
—Ouais, on dirait que vous respectez plus l’environnement que la vie humaine.
—Un mort, ce n’est plus de la vie.
—Vous avez raison monsieur Kimberly, mais rien ne vous permet de le voler. Où pourrions-nous  trouver le téléphone maintenant?
—Il devrait être dans une des poubelles du parc où je l’ai trouvé.
—Très bien, suivez-moi monsieur Kimberly, nous allons le récupérer?
Richard amena Raoul au parc et exigea que celui-ci fouille dans la poubelle. À contrecœur, Raoul s’exécuta et assez rapidement mis la main sur le cellulaire de Rigel.
—Merci monsieur Kimberly.
—C’est fini maintenant inspecteur?
—Pas tout à fait; qu’avez-vous fait du couteau?
—Quel couteau?
—Celui qui a servi à tuer monsieur Schmith.
—Il n’y avait pas de couteau lorsque je me suis approché, je n’ai pris que le portefeuille et le téléphone.
—Comment puis-je vous croire, alors que vous m’aviez caché avoir pris le cellulaire?
—Je ne me souvenais pas de ce détail, inspecteur.
—Si une de vos connaissances parlait de ce meurtre ou du couteau, j’aimerais bien que vous me contactiez.
Richard remis sa carte à Raoul Kimberly qui ne semblait pas savoir où la mettre.
—Sans problème inspecteur.
Richard laissa Raoul et se rendit au bureau de Maxime Deloire, leur technicien en informatique.
—Bonjour monsieur Deloire, je suis l’inspecteur Chari.
—Bonjour inspecteur, je vous connais; qu’est-ce que je peux faire pour vous.
—Est-ce que vous pouvez redonner vie à ce téléphone; j’aurais besoin de savoir ce qu’il contient.
—À qui appartient-il?
—Il appartenait à Rigel Schmith, un homme retrouvé mort dans le parc du Carré St-Louis dimanche passé.
—Pourquoi passer par moi au lieu des proches de la victime ou la compagnie?
—Parce que je doute un peu de la conjointe et j’aimerais obtenir ces informations sans qu’elle le sache.
—Je vais voir si je peux accéder à son processeur et je vous en redonne des nouvelles dès cet après-midi.
—Merci bien monsieur Deloire.
—Maxime, c’est mieux.
—Ok Maxime, j’attends ton message cet après-midi; vous devez, tu dois avoir mon adresse de courriels, vous les informaticiens, vous avez accès à tout ou presque.
—Je vous en donne des nouvelles dès que j’ai quelques choses, inspecteur.
—Richard, c’est mieux.
Richard alla dîner et, dès quatorze heures, il avait le courriel de Maxime indiquant que le Black Berry avait révélé ses secrets et que Richard pouvait venir le chercher quand il voulait. Richard se rendit rapidement au bureau de Maxime.
—Bonjour Maxime, tu es un magicien ou quoi?
—Il fonctionne et j’y ai mis aussi un chargeur de piles afin que vous puissiez le regarder aussi longtemps que vous voulez.
—Merci bien Maxime.
Richard retourna à son bureau et commença à  analyser le contenu du cellulaire. Il y trouva des photos, comme avait dit Raoul, et aussi la liste de ses  contacts; en outre, le téléphone avait gardé en mémoire les derniers appels reçus et effectués; Richard transféra les photos sur son ordinateur et nota, sur papier, la liste des contacts ainsi que les dernières communications. Il avait de quoi « s’amuser » en fin de semaine.

Rendu chez lui, il téléphona à Élise, une amie, qu’il aimait bien. Élise avait espéré que Richard soit plus assidu mais son travail était prenant et finalement, elle avait réduit ses attentes face à lui. Elle accepta cependant avec joie d’aller le rejoindre au restaurant et ils terminèrent la soirée au cinéma. Entre eux, il semblait y avoir une certaine confusion entre amour et amitié, même si dans les faits leurs relations étaient au niveau de l’amitié. Après le cinéma et suite à une bise, ils se quittèrent en se promettant de faire bientôt une autre activité ensemble.

 

-5-

 

Le lendemain en veillée, Richard se rendit à la patinoire située dans le parc au coin Henri-Bourassa et Lajeunesse. Il y vit des hommes qui arrivaient avec des hockeys. Julie Samson n’avait pas menti quand elle disait qu’il y avait du hockey-bottine à cette patinoire. Richard s’approcha du premier joueur et demanda dans quelle équipe jouait habituellement Rigel Schmith.
—Rigel joue pour l’équipe de Bernard, répondit Gaétan.
—C’est qui Bernard?
—C’est le grand avec le chandail du Canadien.
—Ok merci bien.
Richard s’approcha de Bernard.
—Bonjour, est-ce vous le capitaine de cette équipe?
—Oui, que voulez-vous?
—Je m’appelle Richard Chari et je suis inspecteur de police.
—J’avais  remarqué.
—Est-ce que Rigel Schmith jouait dans votre équipe?
—Oui; pourquoi en parlez-vous au passé?
—Parce qu’il est décédé dimanche matin; est-ce que vous connaissiez bien Rigel Schmith?
—Non pas beaucoup, il venait à peine d’intégrer notre ligue car avant il travaillait dans le Nord, je crois.
—Comment était-il samedi passé?
—Je n’ai rien remarqué de spécial, il semblait s’amuser passablement.
—Comment était-il avec les autres?
—Sans problème.
—Sa conjointe dit que vous allez prendre une bière habituellement après la partie?
—Oui, ça finit bien la veillée; j’y pense, samedi passé, Rigel n’est pas venu avec nous, il a dit qu’il avait promis à sa conjointe de la rejoindre, car ils avaient quelque chose de spécial.
—Savez-vous quoi?
—Non; pouvez-vous me dire de quoi il est décédé?
—Il a été assassiné; son corps a été retrouvé dans le parc du Carré St-Louis dimanche matin; il aurait été poignardé. Est-ce qu’en sachant cela, il y a des observations qui pourraient m’aider à trouver le meurtrier?
—Comme je vous l’ai dit tantôt, je ne le connaissais pas beaucoup et je n’ai rien remarqué de spécial.
—Quel est votre nom de famille?
—Beauchemin.
—Votre numéro de téléphone est bien le 514-387-1517?
—Oui, comment avez-vous eu ce numéro?
—À partir du cellulaire de Rigel; je vous laisse ma carte au cas où vous vous rappeliez de quelques choses qui pourraient nous aider.
Richard s’éloigna pendant que Bernard regroupait les joueurs de son équipe afin de les informer du décès de Rigel. Richard se demanda si Rigel avait menti à sa conjointe, samedi passé, ou si c’est Julie Samson qui l’avait induit en erreur, en disant que Rigel était allé prendre une bière avec les joueurs après le hockey. Dimanche après-midi, une semaine après le meurtre, Richard se rendit à la tour où résidait Julie Samson; madame Samson qui se dit être avec un ami, accepta néanmoins d’ouvrir pour l’inspecteur qui se rendit alors à l’appartement 312. Richard sonna à la porte et madame Samson vint ouvrir.
—Excusez-moi d’arriver sans prévenir, mais j’aurais besoin de vous, pour avancer dans mon enquête; est-ce que l’on peut parler un peu?
—Bien sûr inspecteur, je vous présente un ami, Dave Cumberland, qui est venu pour me supporter suite à cette épreuve.
—Bonjour monsieur Cumberland, étiez-vous un ami aussi de monsieur Schmith?
—Non, je n’ai pas eu la chance de le rencontrer, vu qu’il a travaillé surtout à Sept-Îles, n’est-ce pas? Je suis un collègue de madame Samson et je travaille pour le bureau Princeton.
Un peu embarrassé, monsieur Cumberland quitta le condo en réitérant à madame Samson son soutien. Madame Samson ne laissa pas voir son agacement.
—Qu’avez-vous besoin de savoir inspecteur?
—Premièrement, je veux vous informer que nous avons retrouvé le cellulaire de votre conjoint et j’aimerais que vous m’aidiez à identifier qui sont les personnes sur sa liste de contacts.
Richard sortit la liste papier où il avait écrit les contacts de Rigel. Madame Samson semblait très bien connaître les personnes dans la liste des contacts; il y avait des membres de la famille de Rigel, le numéro du cellulaire de madame, des amis du couple, le capitaine de l’équipe de hockey et des gens de Sept-Îles.
—Est-ce que parmi ces personnes, il y a quelqu’un qui aurait pu vouloir tuer Rigel?
—Je ne crois pas.
Richard sortit alors la liste des appels effectués et reçus.
—Connaissez-vous ce numéro qui revient à trois reprises dans les deux dernières semaines et qui n’est pas dans la liste des contacts de votre conjoint?
—Ce numéro ne me dit rien inspecteur, sinon que le 418-589-3267 est un numéro de la ville de Baie-Comeau.
—Oui, je sais madame, mais à qui appartient-il?
—Je ne sais pas.
—Est-ce que votre conjoint avait des amis, des relations d’affaires à Baie-Comeau?
—S’il en avait, il ne m’en a jamais parlé.
—Puis-je examiner votre liste de contacts et vos derniers appels?
—Pourquoi voulez-vous voir cela, c’est privé inspecteur.
—Je sais, mais vous savez aussi que je pourrais demander une autorisation judiciaire au besoin?
—Oui, je suis au courant inspecteur, mais encore faut-il des motifs raisonnables; est-ce que vous me suspectez d’avoir tué mon mari?
—Je tente d’éliminer des possibilités; vous savez que vous n’avez pas d’alibi pour la nuit du meurtre et il est possible que le décès de votre conjoint vous rapporte certaines entrées financières.
—Oui, c’est vrai que je suis bénéficiaire de son assurance-vie et que je ne peux pas présenter un alibi solide, mais, inspecteur, je n’ai pas tué Rigel.
—Est-ce que vous me permettez d’examiner votre téléphone?
—Je n’aime pas cela, mais si cela peut me disculper, prenez-le?
—Je vais prendre note de votre liste de contacts et j’aimerais que vous me précisiez les liens que vous aviez avec ces personnes.
Madame s’exécuta à contrecœur et laissa voir son désagrément; le malaise grandit lorsque l’inspecteur examina le fichier des appels reçus et effectués.
—Vous voyez bien inspecteur que le numéro inconnu dans le téléphone de Rigel ne se retrouve pas dans le mien?
—Très bien madame, cela m’aide à croire que vous ne m’avez pas menti; cependant j’aimerais aussi que vous me disiez à qui appartient ce numéro qui ressort fréquemment et qui n’est pas dans votre liste de contacts?
—C’est…C’est monsieur Cumberland.
—Est-ce que Rigel était au courant de votre liaison avec monsieur Cumberland?
—Qu’est-ce qui vous dit que j’avais une liaison avec monsieur Cumberland?
—Son non-verbal était assez éloquent tantôt et vos nombreux contacts téléphoniques vont dans ce sens, à moins que ce soit pour autre chose?
—Non, vous avez raison inspecteur, mais notre relation a cessé dès que Rigel est revenu habiter à Montréal.
—J’ai comme l’impression que le décès de votre conjoint a ravivé l’espoir de monsieur Cumberland?
—Je ne vous le cache pas.
—Est-ce que monsieur Cumberland aurait voulu la disparition de Rigel?
—Je vous voir venir inspecteur; oui il aurait probablement souhaité que je sois libre, mais je suis convaincu qu’il n’aurait jamais été jusqu’à tuer pour cela?
—Et vous?
—J’aime bien monsieur Cumberland, mais pas au point de prendre le risque d’aller en prison pour lui et aussi, Rigel était un homme gentil et qui avait de l’avenir.
—Même s’il ne travaillait pas?
—Ce n’était qu’une phase, je sais qu’il aurait rebondi; nous avions même projeté un petit voyage dès que ses finances s’arrangeraient.
—Hier, j’ai été voir monsieur Bernard Beauchemin.
—Qui est ce monsieur?
—C’est le capitaine de l’équipe où jouait votre conjoint.
—Eh puis?
—Eh bien, Rigel n’est pas allé prendre une bière avec son équipe après la partie samedi passé; il aurait dit à son capitaine, qu’il devait vous rejoindre pour une chose spéciale, qu’est-ce que c’était?
—Je ne sais pas inspecteur et je n’ai pas revu mon mari après la partie; si nous avions eu un projet après la partie, je l’aurais attendu et nous serions partis ensemble, mais je suis revenu seule à l’appartement car je croyais qu’il irait prendre une bière avec ses chums; les gars aiment ça, vous savez inspecteur?
—Je vous remercie de m’avoir répondu madame et je vous tiendrai au courant du développement de mon enquête.
—Honnêtement, est-ce que je dois me considérer comme suspect sur votre liste?
—Je ne sais pas trop quoi penser mais vous êtes actuellement sur ma liste, tant que je n’ai pas une piste claire.
—C’est réconfortant; je perds mon mari et, en plus, on croit que j’y suis pour quelque chose dans ce meurtre.
Richard n’ajouta rien et sortit de l’appartement. Effectivement, madame et son amant pouvaient maintenant être considérés comme des suspects, même si ce n’était à l’heure actuelle qu’une hypothèse. Le lendemain matin, Richard se pointa rapidement au bureau; il composa le 418-589-3267 mais il obtint la réponse qu’il n’y avait plus de service à ce numéro. Sachant que la principale compagnie sur la Côte-Nord était Tellus, Richard rejoignit un préposé à la clientèle.
—Je m’appelle Dominique que puis-je faire pour vous?
—Je m’appelle Richard Chari, je suis inspecteur de police à la ville de Montréal; j’aurais besoin de savoir à qui appartient le numéro 418-589-3267?
—Je ne peux pas vous le dire.
—Comment ça, ce téléphone est peut-être relié à un assassinat?
—Ce numéro correspond à un appareil jetable; avez-vous essayé de rejoindre la personne?
—Évidemment, mais je me suis buté à un message disant qu’il n’y avait plus de service à ce numéro.
—Cela veut dire que les minutes prépayées ont toutes été utilisées.
—Comment faire pour savoir qui a utilisé ce téléphone?
—Pas facile, car les dépanneurs ne tiennent pas de registres des acheteurs de téléphones jetables; la vente de ces téléphones est comme la vente d’un appareil-photo jetable.
—Est-ce qu’il y a un moyen de trouver l’acheteur?
—La seule manière est d’aller au dépanneur qui a vendu l’appareil en espérant que le vendeur pourra vous donner une description de l’acquéreur.
—Est-ce qu’il y a plusieurs dépanneurs qui vendent ce type d’appareil?
—Évidemment, cependant notre compagnie ne fait affaire qu’avec deux dépanneurs de Baie-Comeau.
—Lesquels?
—Le dépanneur Triton et le dépanneur Shell sur le boulevard Laflèche.
—Est-ce que vous laissez plusieurs téléphones dans ces dépanneurs?
—Non pas beaucoup, car c’est vraiment uniquement pour dépanner vu que, maintenant, chacun possède son propre téléphone.
—Je vous remercie de vos informations et bonne journée.
Richard téléphona ensuite au dépanneur Triton; le patron, après avoir consulté son inventaire, lui indiqua ne pas avoir vendu de ces téléphones depuis plus de deux mois, le propriétaire disait même craindre de rester pris avec les trois téléphones qu’il avait encore en stock. Richard rejoignit le dépanneur Shell sur le boulevard Laflèche.
—Dépanneur Shell, que pouvons-nous faire pour vous?
—Je m’appelle Richard Chari et je suis inspecteur à la police de Montréal, j’aimerais savoir si vous avez vendu des téléphones jetables depuis les deux derniers mois?
—Pas facile de répondre immédiatement; est-ce que je pourrais vous rappeler?
Richard lui donna le numéro de son bureau. Quelques minutes à peine, le propriétaire du dépanneur Shell rappela.
—Oui, ici l’inspecteur Chari.
—Ici le dépanneur Shell à Baie-Comeau, nous avons effectivement vendu deux téléphones depuis deux mois; il ne m’en reste qu’un, je devrais peut-être passer une autre commande à Tellus.
—Est-ce que vous savez qui ont acheté ces téléphones?
—Non, car les téléphones ont probablement été achetés en veillée.
—Et alors?
—C’est Nick qui travaille habituellement en soirée.
—Est-ce que je pourrais lui parler?
—Il entre juste avant le souper et je lui en parlerai; je vais lui demander de vous rappeler s’il se souvient de quelque chose.
—Je me fis sur vous pour lui en parler rapidement, c’est important. Il pourra m’appeler au même numéro que je vous ai fourni. Merci bien monsieur.
Durant l’après-midi, Richard contacta monsieur Dave Cumberland qui accepta de le recevoir à quinze heures à son bureau. Ponctuel comme d’habitude, Richard se présenta à la réceptionniste, de l’étude Princeton, qui le conduisit au bureau de monsieur Cumberland.
—Bonjour monsieur Cumberland, merci de me recevoir aussi rapidement.
—Que puis-je faire pour vous, inspecteur?
—Lors de ma discussion avec madame Julie Samson, il est ressorti que vous aviez une liaison avec madame Samson.
—C’est elle qui vous a dit cela?
—Disons que votre attitude hier laissait voir des sentiments intéressés et en examinant son cellulaire, votre numéro de téléphone est ressorti souvent; par la suite madame a dû reconnaître que vous étiez amants.
—Nous ne le sommes plus depuis le retour de son mari.
—C’est effectivement ce que madame m’a dit mais en vous voyant hier, j’ai comme l’impression que vous allez refaire contact rapidement.
—Et puis après, est-ce un crime?
—Non, à moins que vous y soyez pour quelque chose dans l’assassinat du mari?
—Aucunement inspecteur?
—Qu’est-ce qui me le prouve?
—Quand a eu lieu le meurtre officiellement?
—Dimanche le 14 juillet entre deux heures et quatre heures trente.
—Dimanche passé, j’étais chez ma sœur à St-Sauveur; elle fêtait son anniversaire samedi soir; j’ai soupé et couché là; je suis revenu à Montréal vers dix-sept heures le dimanche, après avoir perdu passablement de temps dans les bouchons de la circulation.
—Comment s’appelle votre sœur?
—Nancy Cumberland et vous pourrez la rejoindre à ce numéro si vous voulez vérifier mon alibi.
—Merci bien monsieur Cumberland, ce sera tout pour l’instant.
Richard retourna à son bureau et il appela immédiatement la sœur de monsieur Cumberland.
—Oui?
—Madame Nancy Cumberland?
—Oui, c’est moi.
—Je suis l’inspecteur Chari de la police de Montréal.
—Qu’est-ce qu’il y a inspecteur?
—Rien de grave, je veux simplement savoir quand vous avez vu votre frère pour la dernière fois?
—Éric ou Dave?
—Dave.
—Qu’est-ce qu’il a fait?
—Rien, mais je veux savoir quand vous l’avez vu pour la dernière fois?
—La fin de semaine passée, il est venu pour souligner ma fête.
—Quand est-il reparti de chez vous?
—Il était ici samedi le 13 juillet pour le souper et il est reparti dimanche vers quinze heures; à la fin, pourquoi toutes ces questions inspecteur?
—Parce qu’il y a eu un meurtre dimanche le 14 juillet vers deux heures à Montréal et je voulais m’assurer que votre frère m’avait bien révélé la vérité en disant qu’il avait passé la fin de semaine chez vous.
—C’est exact, inspecteur, je pourrais le jurer.
—Merci bien madame Cumberland et bonne soirée.
À peine quelques minutes plus tard, le téléphone sonna.
—Oui, ici l’inspecteur Chari.
—Ici, Nick du dépanneur Shell à Baie-Comeau.
—Bonjour monsieur, est-ce que vous avez l’information que je cherche?
—Vous voulez savoir qui a acheté un de nos téléphones jetables?
—C’est exact, j’aimerais savoir qui a acheté le téléphone dont le numéro est le 418-589-3267?
—Je crois que c’est un monsieur qui travaille chez Alouette.
—Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
—Eh bien, c’est le dernier que j’ai vendu et le monsieur est reparti avec une auto de l’aluminerie de Sept-Îles.
—Savez-vous comment s’appelle ce monsieur?
—Non, et c’était la première fois que je le voyais à notre dépanneur.
—Vous êtes physionomiste ou quoi?
—Un peu et je dirais aussi qu’il m’a étonné.
—Comment ça?
—Premièrement, c’est un noir, ce qui n’est pas courant ici et deuxièmement, il lui manquait une partie du lobe d’une oreille?
—Oreille droite ou gauche?
—Attendez, il était en face de moi, alors c’était l’oreille gauche.
—Est-ce que vous avez revu ce monsieur depuis?
—Non, je ne l’ai vu qu’une fois.
—Nick, vous feriez un bon détective avec votre sens de l’observation. Je vous remercie, je crois que cela va m’aider dans mon enquête.
—De rien, inspecteur; je dois vous laisser car j’ai un client.
—Ok, merci.
Richard raccrocha et se dit qu’il tenait peut-être une autre piste. Qui était cet homme dont le numéro s’était retrouvé dans le cellulaire de Rigel? Il était trop tard pour téléphoner aux ressources humaines à l’aluminerie; en rentrant demain matin, il appellerait le responsable du personnel chez Alouette. En arrivant au bureau le lendemain, Richard sauta sur le téléphone et rejoignit l’aluminerie Alouette.
—Aluminerie Alouette, bonjour.
—Je voudrais parler à monsieur Émile Lebrun, svp.
—Qui dois-je annoncer?
—Inspecteur Chari de la police de Montréal.
—Je vous le passe immédiatement.
—Oui inspecteur, qu’est-ce que je peux faire pour vous?
—Est-ce que vous me replacez monsieur Lebrun?
—Bien sûr, vous êtes l’inspecteur qui enquête sur le meurtre de Rigel Schmith.
—C’est exact, monsieur Lebrun; j’aurai besoin de votre aide pour identifier une personne.
—Je vous écoute.
—C’est une personne de race noire et qui aurait une partie du lobe gauche de l’oreille coupé.
—Savez-vous dans quel département cette personne travaille?
—Non, mais je sais qu’il utilise une auto de l’aluminerie et qu’il y a plus d’un mois, il s’est arrêté dans un dépanneur de Baie-Comeau afin d’acheter un cellulaire jetable.
—Donc, ce n’est pas un employé de production; nous avons deux personnes noires qui agissent comme représentant pour la compagnie et une de ces personnes a effectivement une anomalie à l’oreille gauche.
—Quel est son nom?
—C’est monsieur Allen Norton.
—Est-ce que vous pouvez me mettre en communication avec lui?
—Je peux vous donner son téléphone, c’est au siège social de la compagnie à Montréal.
—Je croyais qu’il travaillait sur la Côte-Nord?
—Nous avons plusieurs représentants et plusieurs sont même dans d’autres pays que le Canada.
—Quel est son numéro?
—C’est le 514- 876-3942, poste 5515.
—Qui est son supérieur immédiat?
—Je n’ai pas cette information dans mes listes, inspecteur.
—Merci monsieur Lebrun et bonne journée.
—Au revoir inspecteur.
Richard composa immédiatement le numéro d’Allen Norton; après trois sonneries, un homme répondit.
—Est-ce que je parle à monsieur Allen Norton?
—Oui, qui le demande?
—Je m’appelle Richard Chari, je suis inspecteur de police à Montréal.
—Que voulez-vous inspecteur?
—J’aurais besoin de vous rencontrer afin d’élucider une affaire.
—En quoi suis-je impliqué?
—C’est ce que je veux vérifier; je peux être à votre bureau rapidement.
—Ok, je vous attends.
À dix heures, Richard était au bureau du représentant Allen Norton.
—Je suis l’inspecteur Chari, puis-je vous parler?
—Entrez et fermez la porte svp; ici on dit que les murs ont des oreilles.
—Merci de me recevoir aussi rapidement; j’enquête sur le meurtre d’un ex-employé de l’aluminerie, monsieur Rigel Schmith qui a travaillé à Sept-Îles.
—Il a eu ce qu’il méritait, ce voleur.
—Vous voulez dire que la rumeur selon laquelle monsieur Schmith aurait volé les plans de la nouvelle machine de production est fondée?
—Fondée et vraie; j’en ai même la preuve.
—Comment se fait-il que personne ne m’ait fourni cette information, la semaine passée lorsque je suis allé à Sept-Îles?
—Parce que peu de personnes sont au courant de l’opération.
—C’est-à-dire?
—Lorsque monsieur Schmith a été obligé de démissionner car il était soupçonné d’espionnage industriel, l’aluminerie l’a fait suivre; il est devenu évident qu’il avait quelque chose à vendre car monsieur Schmith a eu des contacts avec des compagnies américaines qui sont proches des alumineries.
—Et puis?
—On m’a demandé de jouer le rôle d’un acheteur?
—Qui vous a demandé cela?
—Je crois que ce n’est pas nécessaire de vous révéler cela.
—Ce n’est peut-être pas nécessaire pour l’instant, mais ça pourrait être utile plus tard, alors dites-moi qui vous a ordonné de faire cela.
—C’est monsieur Greg Holligan.
—Quel est son rôle dans la compagnie?
— C’est un des directeurs.
—Poursuivez.
—Je vais arrêter là, à moins que monsieur Holligan puisse être présent et m’autorise à poursuivre.
—Ok, appelez-le et dites-lui de venir nous rejoindre immédiatement.
Allen avait le sentiment de s’être mis les pieds dans les plats, d’avoir parlé trop vite; il rejoignit monsieur Holligan qui se présenta rapidement dès que le représentant eut mentionné qu’un inspecteur de police l’interrogeait au sujet de Rigel Schmith. Allen présenta son patron à Richard qui résuma les informations obtenues de monsieur Norton.
—Ce n’est pas un crime de faire suivre un ex-employé qui est soupçonné de nous avoir volé.
—Monsieur Holligan, vous savez que monsieur Schmith a été tué et c’est à ce niveau que j’enquête.
—Nous n’avons rien à cacher à la police car nous ne sommes pas responsables de sa mort, dit monsieur Holligan.
—Soit, mais expliquez-moi alors ce que vous avez fait.
—J’ai demandé à monsieur Norton de jouer le rôle d’un acheteur; en fait monsieur Norton s’est fait passer pour un représentant de la compagnie Alcoa à  Baie-Comeau.
—Ah ça serait pour cela qu’il a acheté à Baie-Comeau un téléphone jetable?
—Oui, c’est un moyen qui indiquait à monsieur Schmith que notre représentant était un représentant de la compagnie de Baie-Comeau.
—Que s’est-il passé suite aux premiers contacts?
—Monsieur Schmith a expliqué à monsieur Norton, alias Robert Clarson, qu’il détenait des plans d’une grande valeur et qu’il était prêt à s’en départir pour la modique somme de cinq cent mille dollars. Une fois que monsieur Schmith eut montré qu’il avait bien une copie des plans, il a été convenu d’un échange au montant de deux cent mille dollars.
—Monsieur Schmith ne demandait pas cinq cent mille?
—Oui, mais il a accepté le « deal » à deux cent mille car il craignait de se faire découvrir.
—Où la transaction a-t-elle eut lieu?
—Monsieur Norton, alias Robert Clarson, et monsieur Schmith se sont rencontrés samedi le 13 juillet, tard en soirée; il y a eu échange de la clef usb et de l’argent au bar du Carré St-Louis et monsieur Norton a laissé monsieur Shmith alors qu’il était environ une heure.
—Monsieur Norton, est-ce que vous pouvez confirmer la version de monsieur Holligan?
—Oui, monsieur Holligan a été mis au courant de chacune de mes démarches et ce qu’il rapporte est fidèle à la réalité.
—Comment se fait-il que monsieur Schmith ait été retrouvé mort à quelques pas du bar et cela peu de temps après avoir été en contact avec vous, monsieur Norton?
—Je ne sais pas, inspecteur.
—Nous n’avions pas intérêt à tuer monsieur Schmith, dit monsieur Holligan; cela aurait attiré l’attention sur nous, sur notre prochaine machine, etc.; en fait, les deux cent mille dollars entreront dans la rubrique « divers » de nos dépenses. Nous ne voulons pas ébruiter l’affaire même auprès de nos employés; c’est la raison pour laquelle, les gens de Sept-Îles ne connaissent pas l’histoire complète.
—Monsieur Holligan, vous n’avez pas pensé à contacter la police?
—Pour dire que nous avions des soupçons de vol?
—Non, mais pour nous remettre monsieur Schmith quand vous avez eu la confirmation qu’il avait une copie des plans.
—Honnêtement, récupérer les plans était pour nous plus important que de faire un procès à monsieur Schmith, surtout que nous voulions éviter la mauvaise publicité, dit monsieur Holligan.
—Avec la conséquence que monsieur Schmith a été tué?
—Nous ne sommes pas responsable de sa mort, répéta monsieur Holligan.
—Vous avez cependant caché des informations à la police.
—Il n’y a rien qui dit que si vous aviez eu les informations, monsieur Schmith serait encore en vie.
—Si vous nous aviez informés, nous l’aurions arrêté avant l’échange et le risque de se balader en ville avec deux cent mille dollars n’aurait pas existé.
—Possible inspecteur, cependant nous pouvons probablement vous aider à trouver les véritables responsables, ajouta monsieur Holligan.
—Comment ça?
—Nous avons fait marquer les billets avec une encre invisible à l’œil nu, mais, à la lecture avec une lumière ultraviolette, on peut y déceler un petit crochet dans le coin gauche de chacun des billets.
—Les billets étaient de quelle valeur, monsieur Holligan?
—Tous des vingt dollars usagés.
—Monsieur Holligan, dites-moi où vous étiez au début de la nuit du 14 juillet?
—J’étais chez moi, mon épouse pourrait facilement le confirmer, et j’ai attendu l’arrivée de monsieur Norton qui m’a remis la clef usb aux environs d’une heure trente.
—Messieurs, vous devez rester à la disposition de la police, car même si vous affirmez être innocents, vous êtes complices d’une transaction qui s’est mal terminée pour le vendeur; en outre, vos alibis sont liés, ce qui pourrait passer pour un arrangement pour se couvrir.
—Nous n’avons pas tué monsieur Schmith, répéta monsieur Holligan et monsieur Norton d’ajouter qu’il informerait la police s’il devait sortir du pays.
Sur cela, Richard laissa les deux hommes d’affaires.

 

-6-

 

Après un dîner rapide, Richard se rendit au bar du Carré St-Louis; le bar était presque vide à cette heure et Richard, en montrant sa plaque à la serveuse, demanda à voir le gérant. Monsieur Robitaille se présenta et invita l’inspecteur à le suivre dans son bureau.
—Qu’est-ce que je peux faire pour vous, inspecteur?
—J’ai besoin d’avoir les enregistrements de vos caméras pour la soirée de samedi 13 juillet jusqu’à la fermeture du bar le dimanche matin.
—Nous ne sommes pas équipés de caméra à l’intérieur, car notre bar est tranquille et nous ne voulons pas effrayer la clientèle.
—Et les caméras à l’extérieur?
—En effet, nous en avons une en avant et l’autre dans la cour arrière.
—Je vais vous demander de pouvoir  visionner l’enregistrement de ces bandes.
—Tout de suite, inspecteur?
—Oui, je crois que c’est un bon moment et vous pourrez probablement m’aider à identifier des personnes.
—Je ne connais pas tous les gens qui viennent dans mon bar, vous savez?
—Allons visionner et on verra bien si cela peut nous aider.
Le gérant se rendit, en compagnie de Richard, dans la salle d’enregistrement.
—Votre matériel semble assez récent monsieur Robitaille?
—Oui, nous devons être à jour afin de ne pas se faire bouffer par nos assurances. Que cherchons-nous au juste?
—Des personnes qui seraient sorties de votre bar entre minuit trente et une heure, après le départ d’un  de ces messieurs; Richard montra à monsieur Robitaille les photos de Rigel Schmith ainsi que celle d’Allen Norton.
Monsieur Robitaille, qui faisait défiler les images, reconnut Allen Norton qui sortit du bar aux environs d’une heure, selon ce qui était indiqué sur la bande. Dix minutes plus tard, monsieur Schmith se faisait épingler par la caméra; il portait un sac de sport, probablement les deux cent mille dollars, se dit Richard.
—Vous avez ce que vous vouliez inspecteur, la caméra a pris de belles photos de vos deux suspects?
—J’aimerais que l’on continue encore quelques images?
—Si vous voulez, c’est vous le boss, inspecteur.
—Pouvez-vous identifier la personne qui sort tout juste après le départ de l’homme qui porte le sac de sport?
—Oui, c’est facile; c’est le chum d’Angy?
—Qui est Angy?
—C’est une de nos meilleures serveuses.
—Est-ce qu’elle travaillait samedi le 13 juillet?
—Je crois bien, c’est souvent la veillée la plus payante.
—Où demeure-t-elle?
—Pas très loin d’ici, je crois.
—Je veux son adresse.
Monsieur Robitaille, après avoir ouvert son ordinateur, indiqua à l’inspecteur l’adresse exacte de la serveuse, qui selon l’horaire aussi consulté, travaillait effectivement samedi soir le 13 juillet.
—Pouvez-vous me parler de son chum?
—Il s’appelle Dino Cabrelli, je crois, et il est presque toujours au bar lorsqu’Angy y travaille. Il veille sur elle ou bien il craint qu’elle se laisse entraîner à faire des galipettes avec un client qui lui plairait.
—Est-ce qu’Angy a travaillé depuis le meurtre?
—Oui, elle a travaillé comme d’habitude, je crois, mercredi, jeudi, vendredi et samedi; par contre elle a demandé congé pour cette semaine car elle aurait de la mortalité.
—Est-ce que vous avez vu Dino?
—Il me semble qu’il trainait encore dans le bar la semaine passée, lorsqu’Angy y travaillait.
—Je vais avoir besoin de l’enregistrement que nous venons de visionner, monsieur Robitaille.  
—Je vais d’abord m’en faire une copie, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, inspecteur?
—No prolémo.
Une fois l’enregistrement en sa possession, Richard remercia monsieur Robitaille et se rendit immédiatement à l’appartement d’Angy Burden. Dès qu’Angy ouvrit la porte, l’inspecteur se présenta.
—Pourquoi voulez-vous me parler inspecteur?
—Parce que monsieur Robitaille a dit que vous avez travaillé samedi soir le 13 juillet.
—Et alors, je travaille à tous les samedis habituellement.
—Est-ce que vous travaillez aussi samedi qui s’en vient?
—Non, monsieur Robitaille doit vous avoir dit que j’avais de la mortalité et que je partais pour quelques jours.
—Est-ce que vous partez seule?
—Non, je pars avec mon ami?
—Vous partez quand?
—Nous partons demain soir.
—Est-ce que votre ami demeure ici?
—Oui, mais il est absent actuellement. Pourquoi toutes ces questions inspecteur?
—Vous n’êtes pas sans savoir qu’un de vos clients a été tué la fin de semaine du 13 juillet après être sorti de votre bar?
—Oui, ça s’est parlé pas mal après; mais qu’est-ce que j’ai avoir avec ça?
—Je ne sais pas encore, mais peut-être que votre ami pourrait nous le dire?
—Vous dire quoi?
—Si lui ou vous y êtes pour quelque chose dans le meurtre de monsieur Schmith.
—Je suis restée à travailler jusqu’à tard dans la nuit, comme tous les samedis.
—Et votre ami?
—Il était aussi au bar durant la veillée.
—Est-ce qu’il y est resté toute la veillée?
—Il est probablement sorti fumer à quelques reprises mais il était là lorsque j’ai fini mon chiffre.
—Je vais vous laisser pour l’instant mais je veux que votre ami vienne au bureau demain pour neuf heures, pensez-vous que cela sera un problème pour lui.
—Non, étant donné que nous ne partons que demain soir.
—Vous allez où à partir de demain?
—On se rend simplement à Québec et nous devrions être de retour dimanche.
—Merci et n’oubliez pas que je veux voir votre ami demain matin.
Richard quitta l’appartement et se rendit au bureau afin de visionner au complet la bande qu’il avait rapportée du bar. Il repassa le passage où Allen Norton était sorti du bar, suivi environ dix minutes plus tard par Rigel qui avait un sac de sport; il revit encore Dino qui était sorti aussi immédiatement après. Richard n’a pas revu Dino revenir dans le bar, mais Dino était effectivement près de la porte à la fin du chiffre d’Angy. Que Richard pouvait-il en conclure? Il ne le savait pas, mais il comptait faire la lumière là-dessus demain matin. Pour l’instant, il essayait de faire le bilan de ses suspects.

-Julie Samson, épouse de Rigel : Elle avait reconnu avoir un amant et n’avait pas vraiment d’alibi; cependant, Dave Cumberland, son amant a un alibi solide pour la nuit du meurtre, car il était à la fête de sa sœur dans les Laurentides. Est-ce que Julie aurait pu attaquer son conjoint en pleine nuit dans le parc? Possible mais peu probable, surtout qu’elle ne semblait pas sous l’emprise de son amant et ne manquait pas d’argent; elle avait aussi une situation enviable au travail; alors pourquoi tuer son mari et risquer de tout perdre; en fait Richard doutait de la culpabilité de cette femme, même si elle restait inscrite sur la liste de ses suspects.

-Allen Norton, alias Robert Clarson, l’acheteur des plans : Il est couvert par son patron Greg Holligan  et l’heure avancée, pour son départ du bar, correspond à celle inscrite sur la bande obtenue du bar du Carré St-Louis. En outre, monsieur Holligan voulait étouffer l’affaire et n’avait pas intérêt à ce qu’un meurtre vienne mettre la lumière sur les plans de l’aluminerie.

-Damon Burns et Naigy Druken, collègues de Rigel Schmith : Naigy se venge de Rigel en effectuant une allégation d’espionnage, qu’elle ne pouvait prouver mais qui s’est révélée être finalement vraie; Naigy a un alibi solide, à moins qu’elle ait un complice en la personne de Damon qui est amoureux d’elle; même si Damon était à Montréal le soir du meurtre, il n’y a pas d’indices qu’il ait tué Rigel; c’est une hypothèse qui pourrait être creusée au besoin, avec le devoir d’y trouver des preuves.

-Raoul Kimberly, itinérant : Il a été pris en possession du portefeuille de Rigel et il lui a aussi volé son cellulaire; il dit avoir trouvé le corps, alors qu’il peut très bien l’avoir tué lui-même; cependant, si c’est lui qui a assassiné Rigel, où est passé l’argent? Raoul aurait probablement changé de secteur, aurait dépensé de l’argent au lieu de continuer à quêter comme il semble encore le faire. Donc malgré qu’il puisse y avoir un mobile, l’argent, et qu’il ne puisse présenter un alibi, Richard ne croit pas que Raoul soit son assassin, bien qu’il semble avoir été le premier sur le lieu du crime.

Richard constata que son enquête ne lui apportait, en définitive, rien de vraiment concret  ni de trop solide; qu’avait-il manqué? Est-ce que la piste de Dino pourrait être plus éclairante? Il verra cela demain se dit-il et retourna chez lui.

 

-7-

 

 Le lendemain, il était au bureau assez tôt et avait le pressentiment de s’être fait avoir. À neuf heures, Dino n’était pas arrivé; après dix minutes d’attente, Richard téléphona chez Angy et comme il n’obtint pas de réponse, il informa Brigitte Boilard, sa secrétaire, qu’il allait chez un suspect et que si un certain Dino Cabrelli se présentait à son rendez-vous, il voulait être rejoint immédiatement.  N’ayant pas de réponse à l’appartement d’Angy, Richard alla sonner à la porte de la gérante de l’immeuble.
—Vous êtes bien la gérante?
—Oui et vous, qui êtes-vous?
—Je suis l’inspecteur Richard Chari de la police de Montréal, je voulais rencontrer madame Angy Burden ou son ami Dino Cabrelli, mais je n’ai pas de réponse au téléphone ni en cognant à la porte.
—Vous n’en aurez pas non plus pour un petit bout de temps, car ils sont partis hier soir, ils allaient à des funérailles selon ce que m’a dit Angy.
—Pourquoi croyez-vous que leur absence sera longue?
—Parce qu’ils m’ont déjà payé le loyer du mois d’août.
—Est-ce que cela leur arrive souvent de payer le loyer quelques jours d’avance?
—C’est habituellement le contraire qui se produit.
—Comment est-ce qu’ils ont payé le loyer?
—En argent comme d’habitude.
—Est-ce que vous avez l’argent qu’ils vous ont remis?
—Oui, je garde l’argent des loyers et je vais  déposer les chèques et l’argent au début du mois.
—S’il y a des vingt dollars parmi l’argent remis, j’aurais besoin de les apporter afin de les expertiser.
—Voulez-vous me dire que les billets sont faux, inspecteur.
—Non, n’ayez crainte, ils sont vrais et ils vous seront rendus rapidement car l’analyse ne prend pas de temps.
—Mais comment être certaine que je vais les récupérer?
—Prenez note de mon badge, mon nom et du nombre de vingt que vous me remettez; je vais vous signer cela; en outre pour vous en assurer, vous pouvez appeler au poste de police qui confirmera mon rôle d’inspecteur.
—Votre signature suffira, inspecteur.
Après avoir signé, Richard prit l’enveloppe contenant vingt-deux billets de vingt dollars, l’enveloppe étant identifiée comme appartenant à madame Noëlla Lambri.
—Merci bien madame Lambri, je devrais vous rapporter cela dès demain.
Pendant qu’il retournait au bureau, Brigitte Boilard reçu un appel de madame Noëlla Lambri qui voulait vérifier si Richard Chari était inspecteur à la police de Montréal. De retour au bureau, Richard se rendit dans une salle où il y avait une lampe à rayons ultraviolets. Les vingt-deux billets étaient marqués d’un petit crochet dans le coin gauche. Richard détenait maintenant la preuve que Dino et Angy étaient impliqués dans ce meurtre. Il était onze heures et déjà un mandat d’amener avait été émis concernant Dino Cabrelli et Angy Burden. Richard se rendit à la comptabilité et demanda un chèque au montant de quatre-cent-quarante dollars et identifié au nom de Noëlla Lambri. À quatorze heures, Richard retourna sonner à l’appartement de la gérante.
—Encore vous inspecteur?
—Oui, je vous apporte un chèque au montant de quatre-cent quarante dollars.
—Pourquoi ne pas me remettre la somme en argent?
—Car les billets, qui vous ont été remis, ont été volés et je dois les conserver comme éléments de preuve.
—Vous dites que madame Burden et son ami sont des voleurs?
—Probablement, à moins que ces billets leur aient été remis contre un service rendu et qu’ils ne savaient pas que ces billets étaient associés à une histoire de meurtre.
—Est-ce qu’ils sont dangereux?
—Toujours un peu, mais il y a un mandat d’amener et ils devraient être bientôt sous les verrous.
—Qui va payer le loyer s’ils se ramassent en prison?
—Les gens sont souvent à domicile en attendant leur procès; il serait très important, madame Lambri, que vous n’ébruitiez pas l’affaire, car madame Burden et monsieur Cabrelli ne sont, pour l’instant, que des suspects. Il serait risqué de parler contre eux, car malgré les apparences, ils pourraient être innocents.
—Oui, je sais qu’on pourrait m’accuser d’atteinte à la réputation ou quelque chose du genre, si je colportais des faussetés.
—Vous avez très bien compris madame Lambri; maintenant, j’ai ici un mandat qui me permet de fouiller leur appartement et je vous demanderais de venir  débarrer l’appartement.
—Bien sûr inspecteur.
Madame Lambri prit ses clefs et invita l’inspecteur à la suivre jusqu’à l’appartement; après avoir débarré, elle s’éclipsa discrètement et Richard commença à fouiller l’appartement. Il était clair que les locataires étaient partis en catastrophe et qu’ils n’avaient probablement pas l’intention de revenir; Richard ne trouva trace du sac de sport ni de couteaux, autres que ceux utilisés dans une cuisine. En passant devant l’appartement de la gérante, il l’informa qu’il reviendrait peut-être avec une équipe pour inspecter davantage, mais que d’ici-là, personne ne devait aller dans cet appartement. Le lendemain vers onze heures, Richard reçu un appel.
—Oui, ici l’inspecteur Chari?
—Inspecteur, je m’appelle Rock Leclerc, agent de la Sûreté du Québec à Rimouski, et je veux vous informer que nous avons mis la main sur Dino Cabrelli et Angy Burden; nous devrions être chez vous aux alentours de seize heures.
—Est-ce que vous avez besoin d’une escorte spéciale pour le transport?
—Je ne crois pas inspecteur, ils sont menottés, calmes et nous sommes deux pour vous les ramener.
—Ok, nous allons nous préparer pour les recevoir; merci bien et à tantôt.
—À tantôt.
À seize heures trente, l’agent Rock Leclerc et son coéquipier escortèrent les deux fuyards jusqu’à la cellule réservée pour eux. Lors de l’arrestation, l’agent a lu aux suspects leurs droits mais ne les a pas interrogés. Richard remercia les deux agents de Rimouski qui repartirent presqu’aussitôt arrivés. Un repas fut servi aux détenus et vers dix-huit heures Richard informa les deux suspects qu’il les rencontrerait un après l’autre et qu’ils pouvaient appeler un avocat s’ils le souhaitaient. Angy dit qu’elle n’en avait pas besoin et Dino ne dit pas un mot. Richard fit amener Angy dans la salle d’interrogatoire.
—Madame Burden, l’interrogatoire sera enregistré, comme nous faisons d’habitude et il partit l’enregistrement.
—Jeudi le 25 juillet à dix-huit heures, l’inspecteur Richard Chari interroge madame Angy Burden; madame est-ce que vous souhaitez maintenant être assistée d’un avocat?
—Je n’en ai pas besoin inspecteur.
—Je crois que ce serait mieux si vous en aviez un.
—Je n’en veux pas, j’ai le droit non.
—Comme vous voulez madame. Est-ce que vous aviez informé Dino que je souhaitais le rencontrer hier matin?
—Oui, inspecteur, mais je ne le contrôle pas.
—Vous êtes cependant partie avec lui et l’argent au lieu de me prévenir.
—Lorsqu’il a su qu’il était dépisté, il a décidé de fuir et je n’avais qu’à obéir, sinon je risquais de me retrouver en mauvaise situation.
—Que voulez-vous dire?
—Simplement que Dino me fait peur et qu’il m’a déjà aussi frappée.
—Avez-vous porté plainte?
—Non, car je craignais trop les suites.
—Qu’est-ce qui me dit que c’est vrai alors?
—Vous pourriez en parler avec ma copine Ginette Hodkin, je lui en ai déjà parlé.
—Comment vérifier auprès d’elle?
—C’est facile, elle travaille aussi au bar du Carré St-Louis.
—Maintenant vous vous faites prendre en délit de fuite avec de l’argent ayant appartenu à une personne qui a été tuée près de votre bar.
—Vous savez inspecteur que je n’ai pas tué Rigel Schmith vu que je suis restée au bar jusqu’à la fermeture.
—Cependant vous êtes complice dans cette affaire et probablement complice de meurtre.
—Je n’ai rien à voir avec le meurtre de ce monsieur; complice pour le vol, oui, mais pas pour le meurtre.
—Est-ce que vous voulez un avocat, car là vous êtes en train de vous incriminer?
—Non, je ne veux pas d’avocat et j’assume ma responsabilité comme complice du vol, mais pas plus.
—Expliquez-moi ce que vous avez fait concrètement.
—Durant la veillée du samedi 13 juillet, j’ai vu arriver au bar un homme contenant un sac de sport, je croyais que c’était un joueur de hockey; cependant il était noir et ça m’étonnait car au Québec, il n’y a pas beaucoup de noirs qui jouent au hockey, n’est-ce pas?
—Si vous le dites; et puis?
—Cet homme a retrouvé un autre homme dans le fond du bar, ils ont pris une bière et lorsque je les ai servis, j’ai remarqué qu’il y avait de l’argent, beaucoup d’argent dans le sac; j’ai fait semblant de ne rien voir mais j’ai informé Dino de cela, en disant que ça pourrait être de l’argent volé. Dino est par la suite sorti immédiatement après le monsieur qui a reçu le sac d’argent. C’est tout ce que j’ai fait, inspecteur.
—Comment se fait-il que vous ayez l’argent de la personne assassinée?
—Dino m’a dit qu’il a suivi ce monsieur dans le parc, qu’il lui a donné un coup de couteau dans le dos avant de se sauver avec le sac rempli d’argent.
—Pourquoi ne pas avoir informé la police?
—Je vous ai dit tantôt que je craignais que Dino me fasse mal si je le dénonçais et aussi je me disais que nous avions probablement volé un voleur et que ce n’était pas si grave.
—Pas plus de scrupules face à un meurtre, madame?
—Je ne croyais pas que Dino allait le tuer, je croyais qu’il allait simplement l’assommer et lui voler l’argent.
—Vous savez que vous serez accusée de complicité pour vol et de complicité après le fait pour le meurtre.
—Mais je n’ai tué personne inspecteur.
—Vous auriez dû nous prévenir lorsque vous l’avez su.
—Pour me faire tabasser après?
—Pourquoi le faire maintenant alors?
—Parce que je sais que Dino mérite la prison et que moi je pourrai me libérer de lui.
—Le tribunal vous enverra aussi en prison madame.
—Oui, je sais mais c’est peut-être moins pire que de vivre toujours cachée avec un gars qui est menaçant et qui pourrait me tuer.
—Et pour l’argent?
—Je ne dois pas être normale, car je préfère vivre plus longtemps que de vivre intensément peu de temps.
—Nous allons faire transcrire cet enregistrement et après, je vais vous demander de me signer cela, si vous êtes d’accord?
—Si cela peut m’aider à avoir une peine plus légère, je suis d’accord?
—Je ne vous promets pas d’allégement de peine madame, ce sera au tribunal à apprécier votre implication dans toute cette affaire.
Richard reconduit ensuite madame Burden dans une autre cellule; il avait encore du mal à comprendre comment il se fait qu’elle se soit incriminée aussi rapidement d’elle-même. Après quelques minutes de pause, Richard fit amener Dino à la salle d’interrogatoire.
—Bonjour monsieur Cabrelli, l’interrogatoire sera enregistré.
Richard partit l’enregistrement.
—Jeudi le 25 juillet à 21h, interrogatoire de monsieur Dino Cabrelli mené par l’inspecteur Richard Chari. Bonsoir monsieur Cabrelli, est-ce que vous voulez un avocat avant que l’on commence officiellement l’interrogatoire?
—Oui, j’en voudrais un, mais je n’ai pas d’argent pour le payer.
—Nous allons vous mettre en contact avec un avocat de l’aide juridique et nous effectuerons l’interrogatoire demain matin à neuf heures.
Sur ce, Richard fit reconduire Dino en cellule, communiqua avec l’aide juridique qui dépêcha immédiatement un avocat pour s’occuper de l’affaire. Richard ferma boutique et alla se reposer, se disant que pour lui l’affaire était résolue ou presque. Le lendemain à neuf heures, Richard fit amener Dino en salle d’interrogatoire, il était accompagné de Josée Massicotte, procureure de la défense.
—Bonjour à vous deux, je vais partir l’enregistrement.
Richard partit effectivement l’enregistrement.
—Vendredi le 26 juillet à 9h, interrogatoire de monsieur Dino Cabrelli, en présence de la procureure Josée Massicotte, interrogatoire menée par l’inspecteur Richard Chari. Bonjour à vous deux.
—Bonjour inspecteur, répondit Josée Massicotte, alors que Dino fit un simple signe de tête.
—Monsieur Cabrelli, afin de sauver du temps et éviter les mensonges, je  vous remets la confession faite par madame Angy Burden, prenez le temps de lire et dites-moi s’il y a des erreurs.
Dino et la procureure lirent la confession écrite.
—Inspecteur, est-ce que je peux parler à mon client, seule à seul.
—Bien sûr maître Massicotte; nous allons arrêter l’enregistrement et reprendre après la consultation que vous aurez avec votre client.
—Merci inspecteur.
Richard arrêta l’enregistrement et quitta la salle, en spécifiant à maître Massicotte, qu’elle n’aurait qu’à composer 833 sur l’intercom, afin de dire que la consultation était complétée et que l’on pouvait reprendre l’interrogatoire. Quinze minutes plus tard, Richard reçu le signal provenant de la salle d’interrogatoire. Il revint dans la salle et repartit l’enregistrement.
–Vendredi le 26 juillet à 9h20, suite de l’interrogatoire de monsieur Dino Cabrelli qui est accompagné par la procureure Josée Massicotte. Monsieur Cabrelli, qu’avez-vous à dire?
—Mon client ne dira rien inspecteur, tant que vous ne nous montrerez pas de preuves de sa culpabilité, car la confession de madame Burden semble être un tissu de mensonges pour faire porter le chapeau à monsieur Cabrelli.
—Eh bien, voici ce que nous avons en plus de la confession de madame Burden; tout d’abord, votre client était au bar du Carré St-Louis lorsque la victime y était; il est sorti immédiatement après que la victime eut quitté le bar et monsieur Dino n’est réapparu, à la porte du bar, que vers la fin du chiffre d’Angy. Il a fui le soir où il a été informé qu’il était suspecté et il ne s’est pas présenté au rendez-vous que je lui avais fixé. En outre, il a été pris avec l’argent qui avait été remis à monsieur Rigel Schmith, la victime; cet argent avait été marqué et j’ai la preuve que les quatre-cent quarante dollars qu’il a donnés pour payer son loyer, étaient aussi marquées. Alors monsieur Cabrelli, si ce n’est pas vous le meurtrier, dites-moi où vous êtes allé après être sorti du bar?
—Je ne me souviens plus très bien, j’avais peut-être bu un peu trop.
—Donc un mobile qui est l’argent, absence d’un alibi, délit de fuite, pris en possession de l’argent marqué et une complice qui incrimine clairement monsieur.
—Angy est menteuse, je ne lui ai jamais vraiment fait mal et c’est elle qui m’a dit que l’homme avait l’argent dans le sac de sport.
—Taisez-vous monsieur Cabrelli, dit la procureure.
—En effet, monsieur Cabrelli, vous confirmez déjà une partie de ce que nous a révélé madame Burden; monsieur, je vais compléter mon rapport et vous devriez être accusé de vol, de délit de fuite et de meurtre prémédité.
—Je ne voulais pas le tuer, je croyais l’avoir simplement blessé.
—Où avez-vous mis le couteau?
—Je l’ai jeté dans le fleuve le lendemain.
—Est-ce que vous voulez rajouter quelques choses monsieur Cabrelli?
—Je crois que mon client en a déjà assez dit inspecteur.
—Je veux dire que je ne suis pas le seul responsable et que si Angy ne m’avait pas informé qu’il y avait tant d’argent, il n’y aurait rien eu. En plus, je ne voulais pas le tuer mais simplement prendre l’argent et commencer à vivre. Aussi, Angy a ambitionné lorsqu’elle dit que je l’a menaçais; je lui parlais parfois dur mais de son côté, elle me traitait de lâche, etc.
—Je crois que c’est complet inspecteur, dit maître Massicote; vous avez eu vos aveux, alors que moi, je dois commencer à préparer la défense de mon client. Est-ce qu’il y a eu une entente avec madame Burden pour qu’elle fasse sa confession?
—Non maître Massicotte.
Richard arrêta l’enregistrement et fit reconduire Dino en cellule. Il travailla alors toute la journée à compléter son rapport et il le remit ensuite au procureur de la couronne qui décida évidemment de poursuivre madame Angy Burden et monsieur Dino  Cabrelli. Le procès confirma la culpabilité des deux complices qui étaient en attente de la sentence, lorsque l’auteur mit fin à cette nouvelle policière!!!

 

Nouvelle complétée en mars 2014.