CHAPITRE 5
NOS VOYAGES
1. Allemagne
2. Ile St-Martin
3. La Floride
4. Les chutes Montmorency
5. Vermont
1. Allemagne
La plus jeune de nos filles s'étant mariée à un homme du
service militaire, l'a suivi pas longtemps après en Allemagne
où il fut transféré. Ils s'aimaient beaucoup et l'avenir ne
leur faisait pas peur; après y avoir bien pensé, ils ont
décidé que c'était ce qu'ils avaient de mieux à faire.
Il est parti le premier pour aller préparer un nid d'amour
pour sa compagne. Ce ne fut pas long que le nid fut trouvé; il
avait travaillé avec beaucoup de patience et d'ardeur.
Nous sommes allés, ma femme et moi, conduire notre fille
même avec ses valises à l'aérogare d'Ottawa et nous l'avons
vue partir dans les airs.
Le temps a passé et tout à coup nous avons eu une invitation
à faire un beau voyage au-dessus des océans et des montagnes
pour aller voir un beau bébé qui venait d'arriver; on se
disait:"Ca va être le portrait de son père, il n'y a pas
d'erreur."
On s'est décidé à y aller en se disant hardiment: "Il
ne faut pas attendre d'être millionnaire; en y pensant bien, on
a assez d'épargnes pour prendre une vraie beauté de vacance
remplie de joie et de bonheur."
Un de nos garçons est venu nous conduire à Mirabel; cela a
fait beaucoup notre affaire. Etant montés dans l'avion et bien
assis, nous sommes partis à voler comme des oiseaux et heureux
comme Charlemagne; étant grimpés jusqu'à trente-quatre mille
pieds de haut, j'ai dit à Anne-Marie: "Nous voilà de vrais
voyageurs." Nous avons voltigé pendant six heures à six
cent cinquante milles à l'heure ayant à ma gauche l'étoile
polaire. Ensuite nous avons mangé un bon repas; peu de temps
après, la campagne s'est offerte à notre vue.
Enfin Zurich, ville de Suisse, notre ville de débarquement;
on avance nos montres de six heures. La première des choses,
oui, nous sommes allés aux toilettes; ensuite, à la tournette
pour chercher nos valises. On en a trouvé seulement deux; la
troisième a refusé de paraître. Alors, je suis allé à
l'office remplir une réclamation et vite, je suis retourné
trouver Anne-Marie qui commençait à faire du mauvais sang. Je
lui dis: "C'est un petit détail." Elle répondit:
"Mets-en des détails, à présent, qu'est-ce qu'on va faire
pas de chauffeur?" Un malheureux malentendu d'heure avec
notre gendre venait de naître; de plus, il n'avait pas de
téléphone à la maison; impossible de le rejoindre! Après
mûre réflexion en mangeant un beigne, je me débrouille avec un
interprète et je finis par avoir mon sauveur au téléphone de
la base militaire. Il me dit: "Restez où vous êtes; dans
deux heures, je vais apparaître." Il était venu pour nous
la veille et était retourné bredouille.
En attendant, un préposé des douanes a donné à Anne-Marie
une petite bourse de voyage qu'elle a acceptée de grand coeur.
On s'est assis en attendant comme deux jeunes amoureux. En face
de nous, il y avait trois dames: la grand-mère, la mère et la
fille qui jargonnaient ensemble et se transféraient la même
gomme à tour de rôle; nous autres on a pensé que c'était de
la gomme durable.
Tout à coup, on voit arriver notre gendre tout joyeux. Ayant
pris nos valises, il dit: "Veuillez me suivre."
C'était un homme bien capable; nous sommes embarqués dans
son automobile et nous étions un couple bien heureux. Le long de
la route, nous avons vu beaucoup de vignes; c'était formidable
et admirable; dans le flanc des montagnes, on distinguait des
genres d'escaliers. Pour faire la récolte des raisins, les gens,
postés sur une marche, ramassaient le raisin qui était à
portée de leurs bras.
Nous sommes passés dans des tunnels au-dessous des montagnes;
c'était formidable. Nous avons vu de gros restaurants bâtis sur
des échangeurs routiers où les chemins passaient par-dessus les
autres.
Enfin nous sommes arrivés à la maison; ce fut un grand
plaisir pour nous d'embrasser nos enfants. Ce fut un moment
inoubliable. Nous avons vu un beau petit garçon fait à deux;
c'était un beau cadeau pour eux. Après avoir pris lentement un
repas très honorable, nous étions dus pour nous reposer un peu.
Ils avaient un beau logis dans une maison remplie de fleurs
aux couleurs aimables; c'était situé dans un quartier
respectable.
Je n'ai pas vu dans la maison aucune penture de porte, de
fenêtre, aucune armoire installée avec des gonds ajustables
comme en Amérique; même sous la tablette du comptoir, il y
avait un vide ou un creux (si vous aimez mieux) pour recevoir la
table. Les cadres de portes et les portes étaient grouvés trois quarts de pouce de
creux pour recevoir des coupe-froid, rendant le tout
imperméable. Pour l'électricité, il n'y avait que le deux cent
vingt avec des petits poteaux de trois pieds de long sur chaque
maison et le monde ne paraissait pas nerveux ni peureux; toutes
les ouvertures avaient des "stores" comparables aux
nôtres, ajustés au dehors et servant de couvre-feu. Pour la
lumière des rues, ce n'était pas raisonnable; à toutes les
cinq ou six rues les fils traversaient de l'autre côté, les
ampoules étant suspendues au fil au milieu de la rue.
Dans plusieurs maisons, on entrait par l'étable; en montant
l'escalier pour aller à l'étage supérieur, on pensait être
devenus des alpinistes. Près du trottoir, il y avait de grands
trous à ciel ouvert cimentés; cela servait, croyez-le ou non,
à recevoir le fumier qui servait à engraisser leur terre à
jardinage. Et pour cause! Quelles fleurs et quels légumes
volumineux!
Le monde par là-bas prennent la vie aisée et
raisonnablement; les magasins ouvrent seulement à une heure et
demie de l'après-midi. Ce ne sont pas des gens qui paraissent
très pousseux.
A la maison, ma femme et ma fille, comme deux doigts de la
même main, font l'ouvrage qui est toujours interminable à
l'homme de la maison qui fait des mots croisés et prie un peu le
bon Dieu.
Nous sommes allés en France, à Calmar, un voyage organisé
en autobus. Calmar était la ville la plus riche de la France
dans l'ancien temps. Les rues n'ont que quatre pieds de large et
ne sont pas carrossables. On a traversé la ville à pied;
c'était bien beau de voir toutes ces ruines qui servaient
d'antiquités et tous ces habitants bien accueillants. Au retour,
il faisait froid; le chauffeur de l'autobus avait une bouteille
de savon liquide; il s'est mis à passer un linge humecté de
savon aux passagers pour qu'ils lavent le frimas dans les vitres;
certains ont commencé à être malicieux.
On a vu des bâtiments datant d'au moins cinq cents ans avant
Jésus-Christ où le monde allait payer une dîme en déposant
une offrande charitable; une petite venise
traversant la ville servait pour voyager les animaux qui étaient
trop ombrageux.
Après sa journée d'ouvrage, mon gendre passait avec nous
autres une belle soirée; il nous offrait son petit boire qui
nous réchauffait et nous faisait clignoter un peu les yeux.
La semaine avant de partir, nous sommes allés visiter la
Forêt Noire; c'est une forêt vraiment inoubliable. La route
serpentait beaucoup; il fallait se servir de miroirs.
La veille de notre départ, le petit couple a décidé de nous
payer un souper incomparable dans un grand restaurant de la
ville, ce fut un repas délicieux.
J'oubliais de vous dire que quinze jours après notre
arrivée, la sonnerie de la porte se fit entendre; c'était le
postillon avec notre valise que l'on pensait vraiment perdue;
elle nous avait quittés mais comme l'enfant prodigue elle
revenait au bercail; ce fut pour nous un moment merveilleux.
Le moment du retour était sonné; doux baisers et moments
impérissables doucement gardés en souvenirs.
Plusieurs de nos enfants nous attendaient à Mirabel pour
fêter notre retour qu'ils ont trouvé raisonnable pour un couple
de petits vieux.
2. Ile St-Martin
Ayant suivi la recommandation du docteur que le soleil est le
meilleur rénovateur, étant de l'avis de ma femme et de ma fille
Claire, j'ai accepté avec bonheur d'aller en vacances avec elles
aux Iles St-Martin, lieu de repos libérateur.
Un de nos garçons nous a fait une grande faveur en nous
conduisant à Dorval et en plus c'était un professeur.
Nous avons fait en premier temps une heure d'avion. Nous avons
couché à New-York et comme nous étions majeurs, nous n'avons
pas eu à passer aux vérificateurs. Le lendemain matin, nous
étions au départ pour les Iles St-Martin, en grosse forme et
sans douleur.
A notre arrivée dans l'île, il y avait beaucoup de
spectateurs, surtout des Noirs, qui voulaient nous servir de
transporteurs. Étant à trois milles de notre hôtel, nous avons
accepté de bon coeur.
Arrivés à l'hôtel, nous avons pris possession de nos
appartements; ils étaient prêts à recevoir leurs visiteurs.
Pour nous, c'était un vrai palais ayant salon, salle à dîner,
deux chambres avec toutes commodités, deux chambres de bain, un
grand balcon faisant face à l'océan, une cuisine, du beau tapis
dans tous les appartements et de grands lits pour recevoir des
SEIGNEURS.
Il ne fallait pas faire le lit le matin, ni le défaire le
soir; c'était l'ouvrage des servantes. Le soir, après avoir
enlevé les garnitures, elles soulevaient le bord des couvertes
et nous disaient le bonsoir. C'était beau à voir car elles
possédaient beaucoup de pudeur.
Je me levais le premier; je faisais mon petit déjeuner et je
me mettais en accord avec le Créateur avec une prière. Mon menu
du matin était une rôtie et un oeuf arrosés d'une tasse de
café; parfois je mangeais des céréales pour être bon
marcheur.
Je partais pour faire ma marche au soleil sur la plage; je
faisais souvent deux milles; je pense que j'aurais pu faire un
bon entraîneur. Ma marche du matin terminée, je remontais au
logis, je retrouvais dans la cuisine deux êtres chers; sans me
tromper, je pouvais dire: "Ce sont de belles fleurs."
Une brise venue de l'océan, mélangée à la senteur que
faisaient les restaurateurs, donnait une agréable odeur. Après
que notre vaisselle était lavée et essorée, c'était à mon
tour de garder les papiers de valeur. Anne-Marie et Claire
partaient pour faire leur marche. Je les regardais marcher sur la
plage à la manière de deux soeurs. Après leur marche
terminée, on passait sous la douche, on se changeait et on
allait prendre notre dîner au restaurant. Comme on était trois,
on payait chacun notre tour pour les dépenses et Claire nous
servait tous les soirs de procureur.
On faisait une autre marche avant le souper et on mangeait en
famille un bon repas qu'Anne-Marie nous avait préparé. Cela
nous redonnait force et vigueur.
Il y avait des journées qu'on allait à la ville à pied;
pour aller, c'était trois milles en passant par les côtes. On
achetait des souvenirs et on faisait notre épicerie, n'oubliant
pas le beurre qui était une gâterie rare. Pour revenir à
l'hôtel, on prenait un taxi; comme il détournait les côtes, on
faisait six milles en admirant la nature. Quand on arrêtait un
taxi, il chargeait une piastre de plus s'il devait virer de bord.
C'était un peu voleur.
Un soir, nous avons été invités à une soirée de bienvenue
à l'hôtel par le gouverneur. Nous nous sommes habillés avec ce
que nous avions de mieux; les femmes s'étaient maquillées et
s'étaient fait des accroche-coeur. Moi, je m'étais fait un beau
toupet avec le peu de cheveux qu'il me restait ajoutant pour
cette occasion un peu de senteur. En arrivant à la grande salle,
nous avons été présentés comme des invités de grande marque.
Il y avait une grande table avec toutes sortes de friandises
agréables et pleines de douceurs, le monde dansait autour de la
table et chantait en choeur. Une fontaine de trois pieds de large
était remplie, s'il vous plaît, non pas d'eau de source, mais
de stock pour les vrais
buveurs. La champleure étant ouverte à grandeur, le monde
passait à tour de rôle avec leur verre; c'était gratis pour les voyageurs.
J'ai rapporté avec moi une boîte de kleenex pleine de
coquilles de toutes sortes et de toutes grosseurs.
Nous avons aussi loué une automobile pour faire le tour de
l'île; cela a pris deux heures et demie. On avait un bon
chauffeur; vous devinez qui...
Nous avions du bon temps; mais il a fallu penser à revenir et
moi j'ai dû cesser d'être farceur.
Arrivés à Dorval, il y avait beaucoup de parleurs, de
rieurs, de rigoleurs et mettons-en. C'était du grand bonheur.
3. La Floride
Le jour de Pâques, à quatre heures du matin,
Annette, Claire, Anne-Marie et Alcide
Partaient pour un voyage au pays du soleil
Comme des enfants pleins d'entrain
Allant faire un petit tour en Floride.
A Dorval, l'aéroplane a ouvert ses ailes
Comme l'oiseau, s'envola dans le lointain,
Nous faisait voir une lumière splendide.
Le bleu azuré du ciel; une vraie merveille.
Le déjeuner nous fut servi avec soin
Par de gentilles serveuses à l'air candide;
Un repas gratis sans lavage
de vaisselle.
Arrivés à Miami par un beau temps serein,
On s'est mis les pieds dans l'eau limpide.
Au logement, un contre-temps de coquerelles;
Claire en trouva un autre propre et pas loin
A Hollywood, sur la plage; il était vide.
La vacance fut pour nous bien agréable.
Nous avons visité villes et magasins.
Le seul regret: ce fut trop rapide.
On dit quand même un gros merci au ciel.
4. Les chutes Montmorency
En l'an 1985, nous avons admiré
Pendant trois jours la nature dans toute sa beauté.
Avons eu Claire et Annette pour nous conduire;
Anne-Marie et moi, on n'avait qu'à suivre.
C'était merveilleux d'avoir des jours ensoleillés;
Une douce brise nous donnait ses tendres baisers.
Nos coeurs en fête goûtaient un grand plaisir.
De voir la nature nous invitait à sourire.
Avons regardé les arbres de feuilles colorées,
De très beaux paysages de Québec avons contemplés.
Le beau Manoir Montmorency a su nous réjouir.
Après souper, on a eu un vrai concert de rires.
Dans une salle réservée aux personnes âgées,
Chansons et danses étaient harmonisées.
Après ce plaisir, les aînés sont allés dormir
Pour se reposer et le lendemain matin partir
Prendre le pont et l'île d'Orléans visiter.
Aller à la messe à Ste-Anne de Beaupré,
Y acheter cartes et statues en souvenirs,
Dire bonjour à Jésus-Christ avant de repartir.
Les chutes Montmorency nous avons photographiées
Et à Val Bélair sommes arrêtés pour dîner.
Cela fait du bien de temps en temps se divertir.
Une petite vacance, ça fait rajeunir.
Reprenons la route pour aller à Duchesnay
Admirer un beau grand centre forestier,
Un des plus beaux de la province à nous instruire.
Les maisons faites en bois rond pour les embellir.
En montagne, il y a trois grands sentiers;
Anne-Marie et moi avons pris celui du rocher,
Avons passé une heure entre les roches sans courir,
Nous reposant souvent et prenant un soupir.
Claire et Annette ont mis deux heures à marcher
Le sentier de la Marianthème; elles l'ont aimé.
Sur les bords du lac jaune il faudra revenir
Car une petite marche aide à dégourdir.
Ce fut le retour à la maison, le coeur en gaieté.
Ma femme et mes enfants sans me le dire
M'ont fait une surprise sans mentir.
Les Bonin étaient tous venus peinturer
La maison de la cave au grenier.
Rouleaux et pinceaux, sans beaucoup ralentir
La vieille maison familiale ont fait reluire.
Ils s'étaient seulement arrêtés pour manger
Le bon repas que la mère leur avait préparé.
Certains ont bu de l'eau pour se rafraîchir
Ou bien au petit bar allaient se choisir
Un gin, un rhum, un petit coup de brandy.
Je les vois tous s'encourager.
J'ai demandé à Dieu de les bénir
Et de longtemps les voir vivre.
5. Vermont
Une belle journée d'automne, un samedi matin
Après avoir fait une prière et mangé un brin
Et confié la maison à notre bon ange gardien,
Nous sommes partis en Granada par la route vingt
Pour aller admirer la nature du côté américain.
On ramassa Huguette et Jean-Louis son conjoint;
Sur la route, on chante en vrai Canadien
Mon pays mes amours; sur le paysage l'oeil en coin
Au-delà des lignes, nous en sommes témoins
L'arc-en-ciel sur les paysages était peint.
Le foncé était fait de pins et de sapins,
L'éclatant des feuillus complétait le dessin.
Le village de Stowe fut visité avec entrain;
Les Smuggles Notch, réputées au lointain,
Pour le repos, la marche et le ski alpin.
Voilà de vieux souvenirs pas trop malins
Pour le retour des Américains.
A midi, nos estomacs criaient leur faim;
On tâtait les portes des restaurants en vain.
Un homme au collet romain nous sortit du pétrin,
Nous indiqua un restaurant en bon samaritain.
Ayant bien mangé, on a repris le chemin;
Au lieu des sites pittoresques et anciens
On a retrouvé les demeures d'Alcide Bonin,
Ayant cherché amis et voisins.
Après trente ans, tous avaient vécu leur destin.
Le souper pris, un peu de flânage dans les magasins
Et retour au Canada au petit train train.
Un gros merci à Jean-Louis pour le bien
Que ça fait de prendre l'air un peu plus loin. |