CHAPITRE 7
NOTRE FOI
NOTRE RELIGION
NOS PRIÈRES
On priait tous ensemble, matin et soir, chapelet, litanies et
saints cantiques se suivaient. Que pensait Dieu de nous voir? Il
devait rire dans sa barbe de nous voir.
La confession
La confession était obligatoire au moins une fois l'an pour
ceux qui étaient appelés les tofs;
les autres, à tous les mois; les soeurs, c'était à toutes les
semaines. Toute la paroisse finissait par passer dans la boîte
du confessionnal. Pauvre prêtre! Assis tantôt sur la fesse
gauche, tantôt sur la droite, il en a passé des heures
là-dedans; au moins, si ça avait été intéressant.
A Pâques, celui qui n'avait pas été se confesser avant la
Quasimodo, était obligé d'aller voir l'évêque pour se faire
pardonner; le monde disait que cet homme faisait des Pâques de
renard.
Comme je devais aller à la confesse tous les mois mais qu'on
avait de longues minutes à attendre notre tour, j'ai voulu être
parmi les premiers dans la file. Comme les autres j'ai couru
entre les bancs et les allées; je suis arrivé bon dixième sur
les cent cinquante personnes qui se sont alignées.
Arrivé au premier rang et déjà le pied dans le
confessionnal, une vieille femme me prit par le collet et me
devança en disant: "Toi tu es jeune, tu n'as pas fait de
péché mortel, alors tu peux attendre."
Les quatre temps
C'était trois jours de prières, de privations et
d'abstinence débutant le mercredi et se terminant le samedi de
la première semaine de chaque saison.
L'Avent
L'Avent dure les quatre semaines qui précèdent la fête de
Noël; on jeûnait dans mon jeune temps; aujourd'hui le jeûne
est aboli mais non les pénitences.
Le Carême
Le Carême s'étend du Mercredi des Cendres au Samedi Saint au
midi; c'est une période de jeûne et de sacrifices; aujourd'hui
c'est de beaucoup allégé comparé à ce que c'était dans mon
temps.
Quand je me relis, je m'aperçois dans ma mémoire, que je
n'ai pas tant que ça de jours de jeûne, de privations, de
sacrifices et de pénitence à mon crédit. J'espère que Dieu
aura pitié de moi quand même.
Mercredi des Cendres
Les Cendres bénites nous viennent des rameaux bénis de
l'année précédente et qui avaient été brûlés et conservés
dans un lieu sûr pour être utilisés au prochain Mercredi des
Cendres. Le prêtre déposait un peu de cendres sur notre tête
en disant: "Tu es poussière et tu retourneras en
poussière."
Les rogations
C'était trois jours de processions et de prières précédant
l'Ascension; c'était la fête de la bénédiction des graines
pour attirer les bénédictions du ciel dans les champs. Le
prêtre bénissait les grains et chacun à notre tour nous
allions en chercher un peu et on les mélangeait à nos propres
semences.
La chandeleur
Cette fête était aussi appelée la fête des chandelles;
cela rappelle la Présentation de Notre Seigneur Jésus-Christ au
temple. Aussi c'est la fête de la bénédiction des gorges.
Après la messe, on passait chacun notre tour devant le prêtre
qui à l'aide de deux cierges attachés avec
un ruban rouge qu'il nous déposait sur la gorge, il demandait
à Dieu d'éloigner les maladies corporelles et spirituelles.
Tout au long de la semaine sainte
Comme je servais la messe le Jeudi Saint, au Gloria, j'avais
la job de faire sonner la
petite cloche et le bedeau, les grosses; on les faisait sonner
pour un gros cinq minutes et là les cloches partaient pour Rome.
Après la messe, le curé allait à l'évêché chercher de
l'huile pour faire de l'eau bénite. Le soir nous avions l'heure
d'adoration.
À la cérémonie du Vendredi Saint, pour commencer, on se
déchaussait, on faisait la procession; revenu au choeur, le
prêtre découvrait la croix, la déposait sur un coussin sur les
marches de l'autel; nous les enfants, formant un choeur, nous
allions la baiser; dans l'après-midi il y avait le chemin de la
croix.
Le Samedi Saint, à la messe, comme les cloches étaient
revenues de Rome, nous sonnions encore les cloches au Gloria;
l'office durait trois heures et demie. C'est le Samedi Saint que
le prêtre faisait l'eau bénite pour un an. Après l'office,
chacun arrivait avec sa bouteille pour la faire remplir. Et
c'était le dîner où les cloches annonçaient officiellement la
fin du carême. Alors plusieurs se rinçaient le gosier avec du
gin ou du brandy. Le matin de Pâques, on allait au ruisseau
chercher de l'eau de Pâques; il fallait la cueillir avant la
levée du soleil afin de pouvoir la conserver.
Les funérailles
Après sa mort, une personne était déposée dans un cercueil
et elle était accompagnée jour et nuit tant qu'elle n'était
pas enterrée. Le monde récitait le chapelet à toutes les
heures. Il y avait une chandelle à chaque bout de la tombe. Tout
le monde de la parenté portait le deuil: pour le côté
féminin, chapeau noir, robe noire, jupon noir, voile et souliers
noirs; pour le côté masculin, habit noir, col, chapeau, bas et
souliers noirs. On voyait souvent aussi des hommes porter le
brassard au bras.
Ma mère, comme presque toutes les femmes, était obligée de
teindre son linge en noir. La durée du deuil était d'un an; il
était défendu de faire jouer le tourne-disque tout ce
temps-là.
Le corbillard était traîné par un cheval noir et conduit
par un cocher habillé en noir assis très haut à la hauteur de
la croix. Des porteurs en noirs avec des gants gris suivaient le
cortège.
A l'entrée de l'église, le monde se trouvait dans la
pénombre et découvrait que toutes les statues étaient
recouvertes d'un linge noir. Après que le prêtre eut béni la
dépouille mortelle, les porteurs déposaient le cercueil sur des
chevalets et se retiraient dans les premiers bancs.
Alors deux enfants de choeur allumaient des cierges autour du
cercueil et sur l'autel; ensuite le prêtre chantait la messe
pour les défunts; c'était suivi du service du défunt. Rendus
au cimetière, on récitait les dernières prières et le bedeau
devait ensuite enterrer le mort.
Après un an, le bedeau préparait un autel au-dessus de la
tombe et le prêtre y célébrait le service anniversaire.
La neuvaine d'Alcide
Quand j'avais huit ans, je me suis fait jouer un tour; le
prêtre avait annoncé en chaire: "Celui qui va communier
les neuf premiers vendredis du mois de suite va droit au
ciel." Moi, j'ai trouvé que cela était une bonne chose.
Tous les premiers vendredis du mois, j'étais à mon poste et
tout allait pour le mieux. J'avais huit vendredis de complétés
et voilà que le dernier vendredi était le Vendredi Saint; le
curé s'en va annoncer qu'il n'y a jamais de communion le
Vendredi Saint, que c'était défendu de communier le jour de la
mort de Jésus. Si ma mémoire est bonne, j'ai dit:
"Attendez-moi, je vais recommencer la semaine
prochaine."
Travailler c'est prier
Quand j'étais jeune l'esprit était occupé par l'ouvrage.
Le proverbe disait: "Travailler c'est prier".
Après vingt ans de mariage la pensée aidant à l'esprit pour
alimenter le courage
Disait c'est encore prier.
Ayant soixante et dix ans on devient sage
Mais pour conserver la santé, la pensée et l'esprit, c'est
toujours prier.
Mais en y pensant sérieusement pas d'ouvrage, pas de courage,
pas sage
Il faut dire c'est toujours, toujours encore prier.
Parole du petit page
Voilà cela est la vérité. |